Stephane Mosès est de ces penseurs libres dont la pensée fut d’abord et pour lui une renaissance au nom de fondamentaux d’une exigence majeure. Elle le fit sortir d’un clair-obscur de la pensée et de “l’assimilation” vers une lumière progressive qu’il sut moduler. Car, en dépit de son exigence et de ses rôles importants dans les études et le monde judaïques tant en France qu’en Israël, Mosès ne fut jamais sectaire ou rigide. Et selon divers témoignages, une douceur émanait de sa personnalité.
Insistant sur le lien qui lie le judaïsme à la civilisation occidentale, l’auteur à travers ses recherches a permis de faire découvrir ou d’approfondir des penseurs tels que Gershom Scholem , Walter Benjamin, Martin Buber, Hermann Cohen, Manès Sperber, Hans Jonas mais aussi Maharal de Prague et Haïm de Volozhyn. Sans oublier Franz Kafka et Paul Celan. Néanmoins, l’œuvre de Mosès reste au plus haut point empreinte de la pensée de Franz Rosenzweig sur lequel il écrit un livre majeur, Système et Révélation.
Les lettres à Rieuneau permettent de comprendre l’importance de ce maître qui lui permit d’affiner la nouvelle vision de l’histoire liée à l’idée d’une utopie messianique. À la vision optimiste d’une histoire conçue comme une marche permanente vers l’accomplissement final de l’humanité, Mosès oppose l’idée d’une histoire discontinue, dont les moments ne se laissent pas totaliser. Sur les décombres de la raison historique l’auteur croit — à l’époque de ces lettres — que l’espérance peut reprendre d’un essor.
L’utopie d’un temps ouvert à l’irruption du nouveau semble alors ouverte. Mais Mosès y mettra bien des bémols vers la fin de sa vie. Ce livre « double » permet toutefois de donner une vision plus humaine de l’auteur. Principalement dans ses Instantanés. De telles vignettes prouvent que le philosophe n’était pas seulement un germaniste d’exception et en rien un poisson froid de la pensée.
jean-paul gavard-perret
Stéphane Mosès, Instantanés suivi de Lettres à Maurice Rieuneau (1954–1960), préface d’Emmanuel Mosès, Gallimard, coll. L’Infini, Paris, 2018. A paraître le 26 mai.
Merci pour votre belle réaction au travail de Stephane Moses