Fabienne Radi a sans doute lu la collection des Martine à l’époque de ses nattes. Mais en a-t-elle vraiment porté ? Qu’importe d’ailleurs car au moment où elle a passé (à peine…) cet âge pour devenir adulte, celle dont la sagesse reste toujours impertinente « est partie dans les colonnes vertébrales » tout en soulignant le lien qu’il existe entre la chevelure et l’épissure dorsale.
D’où son goût pour Nina Childress. Comme elle, l’iconologue suisse s’intéresse à ces structures faites d’éléments plus ou moins noués — jusqu’à en avoir parfois plein le dos. Certes, Nina Childress les redresse. Ce qui permet à notre Mélusine du Léman d’y voir ceux de « Cary Grant et Grace Kelly qui continueraient de se donner la réplique sur un plateau après s’être complètement déshabillés ». Cela est sans doute une exagération. Mais nous la partageons.
Fabienne Radi entraîne dans son sillage afin de créer sa propre narration du dos et de ses dièses. Mais ce n’est pas le seul sujet de ses investigations. Notons parmi d’autres objets disparates et intempestifs : « Faut-il plaindre les enfants d’artiste ? Comment vieillissent les femmes-enfants? Les punaises de lit peuvent-elles influer sur la réception de l’art contemporain ? Pourquoi tant d’écharpes en lin lors des vernissages ? ». Se retrouve dans ce livre tout ce qui fait le piment de l’œuvre et l’écriture de l’épistémologue piquante.
Pour ses démonstrations et au-delà des peintures de Nina Childress, elle fait appel à un aréopage hétéroclite, de W.C. Fields à Valérie Lemercier, de Sophie Calle au bon Dr Spock, à la regrettée Lady et à bien d’autres pré-textes aux divagations moins farcesques qu’il y paraît. Manière de ramener à l’histoire de l’art. Dont le 7ème. Le dos y servit de leurre.
Montrer le dos de bas en haut permit de cacher ce qu’on ne saurait voir, non seulement chez Molière mais chez les censeurs d’Hollywood. Mais, ne s’arrêtant pas à une si bonne inconduite, Fabienne Radi prouve que même chez les nudistes qui se montrent « à poils » le dos permet de conserver une certaine tenue. Une nouvelle fois, Fabienne Radi propose ses suites d’élans par un jeu d’apparences.
Elles glissent les une sur les autres par substitution du pile à la face jusqu’à ce que la vérité du genre s’éloigne la queue entre les jambes.
jean-paul gavard-perret
Fabienne Radi, Peindre des colonnes vertébrales, Editions Sombres Torrents, Rennes , 2018, 68 p. — 8, 10 €.