Hervé Jubert, Paix, sexe et amour

Une belle des­crip­tion de l’adolescence

C’est le début des vacances de Noël. Brice Cam­pa­gnol, le petit coq du col­lège, et son ami Lucas Lacas­sagne rentrent dans leur vil­lage. Si Brice affiche une désin­vol­ture de Don Juan che­vronné vis-à-vis des filles, Lucas est un amou­reux de Clara, un amou­reux transi depuis la course d’orientation où il fai­sait équipe avec elle. Il avait voulu s’affirmer et s’était perdu. Elle avait repris les choses en mains avec calme.
Brice arrive dans la chambre de Lucas, lui prend son télé­phone et envoie un mes­sage à… Laura pour l’inviter à aller au cinéma. Lucas est si furieux qu’il veut étran­gler Brice. Ce der­nier est sauvé par le bruit signa­lant l’arrivé d’un SMS. C’est Laura qui… accepte.
La séance se déroule sur un petit nuage pour Lucas quand leurs mains se ren­contrent et que leurs doigts se croisent. De retour chez lui, il reçoit, envoyé par son ami, un lien pour une vidéo mon­trant l’utilisation d’une capote. Furi­bond il veut répondre, se trompe et le lien part vers Laura. La réponse ne se fait pas attendre : “Abruti“
Didier Cam­pa­gnol est menui­sier d’art. Ses chan­tiers sont éloi­gnés. Il s’absente toute la semaine et loge dans des éta­blis­se­ments peu oné­reux. Le der­nier ser­vait éga­le­ment d’hôtel de passe. Dans la nuit, un bruit réveille les parents de Brice. Son père voit des traces par­tant de sa camion­nette jusqu’à un appen­tis. Il y découvre une jeune fille très légè­re­ment vêtue, fri­go­ri­fiée. C’est Claire, une pros­ti­tuée qui s’est enfuie de l’hôtel car elle a vu un truc qu’elle n’aurait jamais dû voir…

Avec Brice à la pos­ture bra­vache et Lucas transi d’amour, Hervé Jubert décrit deux atti­tudes assez com­munes chez les jeunes mâles que l’éveil du flux de tes­to­sté­rone tra­vaille. Cette atti­rance pour les filles devient une obses­sion pour le sexe, domaine qui reste à abor­der, à défri­cher, tout comme l’univers fémi­nin qui pré­sente tant de zones mys­té­rieuses. Et ces zones sub­sistent bien long­temps après l’adolescence…
Le roman­cier intro­duit le côté sombre du sexe avec l’esclavage auquel sont sou­mises ces jeunes femmes tom­bées sous la coupe de types ignobles. Com­ment peut-on encore se regar­der dans une glace quand on vit du “pain de fesses” ? Avec Claire, il esquisse le monde de la pros­ti­tu­tion, les chan­tages, tor­tures phy­siques et morales aux­quelles sont contraintes ces jeunes femmes.
Paral­lè­le­ment à ces aspects, Hervé Jubert intro­duit dans son intrigue les consé­quences des jeux de rôles, l’irruption de menaces, des mises en dan­ger de ces ado­les­cents, et de leurs proches, venues des réseaux de proxé­nètes, de la nature envi­ron­nante. La gale­rie des per­son­nages qui anime cette intrigue qui mêle sus­pense et humour est étof­fée, d’une grande variété de carac­tères construits avec soin pour figu­rer toutes les situa­tions du récit. Les sen­ti­ments sont expri­més avec réa­lisme, ni trop, ni trop peu. L’intrigue monte vite en ten­sion jusqu’à un final déli­cieu­se­ment amené.

Hervé Jubert signe un nou­veau roman attrac­tif, d’une grande finesse, servi par une écri­ture élé­gante et un style alerte. À lire sans retenue !

serge per­raud

Hervé Jubert, Paix, sexe et amour, Scri­neo, février 2018, 144 p. – 10,90 €.

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Filed under Jeunesse, Pôle noir / Thriller

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