Selon de multiples angles, Claudia Masciave saisit le monde et ceux (ou celles) qui s’y perdent. Poussés dans les cordes, elles et ils s’accrochent en une suite de courants – parfois contraire – au sein de la perte et des éclats du langage photographique qui — dans son vouloir dire — ne rate jamais sa cible, à l’inverse des « héroïnes » mises en scène. Mais leurs ratages permettent au discours visuel de se poursuivre en explorant le monde et ses mouvements convulsifs que les images épousent. L’extase du sens jaillit au sein des clôtures et des errances programmées par les « aventures » scénarisées par là. Il n’y a pas lieu d’opposer la forme au fond, le contenant au contenu. Si bien que l’art devient ce “qui ça / jamais là où” où quelque chose suit son cours en ouvrant une relation à l’art difficilement conceptualisable.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Savoir que j’ai encore quelque chose à découvrir et quelqu’un à aimer.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je suis venue de très loin et de très bas ! Par conséquent, mes rêves, je les ai déjà tous réalisés… c’était des choses simples, basiques, mais fondamentales comme l’amour, la famille, une maison, un travail, pouvoir étudier tranquillement, etc.
Après avoir eu une crise existentielle, je suis en train d’en construire de nouveaux (un clin d’œil à la pyramide de Maslow).
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai dû renoncer à mes passions autodestructrices. Elles m’apportaient de la jouissance, mais elles me tuaient en même temps.
D’où venez-vous ?
Je viens de la forêt amazonienne, au nord du Brésil. Et aussi du désespoir.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La foi. C’est contradictoire avec ma fascination pour l’existentialisme de Sartre et le matérialisme historique de Marx, mais je ne suis pas toujours cohérente ! Ce n’est pas grave, j’aime ce mélange paradoxal…
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Quotidien. Lire ou écouter la biographie d’un(e) artiste, d’un(e) philosophe, d’un(e) scientifique ou d’un(e) homme (femme) politique.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes?
Mon histoire de vie, mon ADN, la façon dont ma psyché s’est construite, ma démarche artistique, mes goûts, ce qui m’anime intérieurement, etc.
Il y a aussi le fait que je suis une studieuse autodidacte, ça me fait réaliser des projets uniques et différents. C’est comme rassembler des pièces d’un casse-tête, éparpillées un peu partout…
Comment définiriez-vous votre approche de l’humour ?
J’aime l’humour doux et joyeux, comme les couleurs vives et les pastels… je ne comprends pas trop l’humour noir, car je suis très sensible à la souffrance.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Je ne sais plus, mais j’aime beaucoup la photo où Nelson Mandela est en train de voter pour la première fois, quand il a été élu président de l’Afrique du Sud, après la fin de l’Apartheid. D’ailleurs j’ai créé une image inspirée en cela.
Et votre première lecture ? -
“Le monde de Sophie”, une initiation à la philosophie. Et aussi “Les cinq leçons de la psychanalyse” de Freud. (J’ai commencé à lire très tard)
Quelles musiques écoutez-vous ?
Les musiques brésiliennes traditionnelles. Et aussi celles d’Aznavour, Dalida, Jacques Brel, Chopin, Tchaikovsky, Nina Simone, etc. (je découvre les classiques)
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Ceux de Dostoïevski, mais il faut avoir du temps, donc je me sens frustrée. J’aimerais faire un voyage dans le transsibérien simplement pour achever la lecture de mes œuvres préférées.
Quel film vous fait pleurer ?
« La liste de Schindler ».
Quand vous vous regardez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Une exploratrice, une battante, quelqu’un qui déborde…
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A ceux qui sont déjà morts.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’île de Pâques pour ses mystérieux moaï. Machu Pichu la ville sacrée des Incas. Et aussi Jérusalem, le local de naissance de l’homme qui a marqué l’histoire de l’humanité, qui à mes yeux est Dieu, même si pour beaucoup d’autres, c’est juste un mythe, et je respecte leur point de vue !
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ? -
Goya pour ses angoissantes peintures noires, Edward Munch car il y a de la souffrance dans ses œuvres, Van Gogh pour la recherche de l’absolu jusqu’au désespoir, mais également, Kandinsky pour le travail sur la couleur et les formes.
Dans la sculpture, je suis fascinée par Camille Claudel car elle était obsédée pour créer et j’ai cela aussi. Je me sens parfois envoûtée par quelque chose plus grand et fort que moi.
Dans la danse j’aime Martha Graham, elle parlait de cette force vitale que nous avons en nous. Elle croyait à la puissance d’exister.
Dans la littérature : Tolstoï, Proust, Baudelaire… chacun par une chose différente.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un télescope pour voir le plus grand et un microscope pour analyser le plus petit.
Que défendez-vous ?
Les enfants, ils n’ont pas demandé à naître. Un de mes grands projets, c’est de pouvoir aider les enfants en détresse dans le monde.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour, c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Que l’amour ne dépend pas de nous, on le subit.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?” -
Qu’il faut être ouvert à la vie.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
“Qu’est-c’est-que vous pousse à créer vos images?” Une inquiétude incontrôlable, une curiosité oppressante, des hurlements d’existence.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 16 avril 2018.
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