Lilja Sigurdardóttir, Reykjavik noir — t.2 : “Le Filet”

Un mémo­rable thril­ler Islan­dais

Pour pou­voir conti­nuer à voir son petit gar­çon, Sonja est contrainte par Adam, son ex-mari, à trans­por­ter des valises de drogue. Depuis sa sépa­ra­tion, elle vit avec Agla. Celle-ci, sur­fant sur la crise finan­cière de 2008, a détourné les fonds d’Ingimar, un puis­sant homme poli­tique. Elle est dans le col­li­ma­teur de la jus­tice. Pour fuir sa situa­tion, rompre avec les chan­tages affec­tifs, Sonja enlève Tómas et se réfu­gie aux États-Unis.

Le Filet, le tome 2 de la tri­lo­gie Reyk­javík noir, débute alors que Sonja et son fils sont en Flo­ride. Ils mènent une vie de fuyards, chan­geant sans cesse de cam­ping. Cepen­dant, parce que Tómas vou­lait des nou­velles de Nou­nours, son chien, il a envoyé un mes­sage à son père via le compte Face­book de son petit voi­sin. Ce mes­sage a per­mis à Adam de les loca­li­ser et de les faire enle­ver. Il met son ex-épouse face à un mar­ché : elle revient avec lui en Islande et reprend ses voyages ou elle fait ses adieux et ne reverra jamais son fils.
Agla se réveille dif­fi­ci­le­ment d’une soi­rée pas­sée à se défon­cer pour oublier qu’elle s’apprête à aller en pri­son, que Sonja s’est vola­ti­li­sée. La nuit sui­vante, elle est cou­chée quand elle per­çoit une pré­sence. Dans le salon, elle découvre Ingi­mar affalé dans un fau­teuil. Celui-ci est venu récu­pé­rer son argent, une somme qu’elle et ses com­plices ne peuvent réunir. Il lui fait alors une pro­po­si­tion pour l’aider à réduire cette dette, voire à l’en débar­ras­ser.
Enle­vée en Flo­ride, Sonja arrive à l’aéroport de Keflavík en short et débar­deur. Elle n’a d’autre solu­tion qu’appeler Agla. Celle-ci est trop heu­reuse de renouer le contact. Et la vie reprend. Sonja est for­cée, main­te­nant, à un voyage par semaine. Au fond du trou, elle ima­gine un plan pour se libé­rer du piège qui l’emprisonne alors qu’Agla met tout en œuvre pour se sor­tir de la nasse où elle se trouve enfermée…

Avec ses deux héroïnes, la roman­cière explore deux domaines illé­gaux, l’univers des pas­seurs de drogues et celui des mani­pu­la­teurs de finances. En fai­sant de Sonja une jeune mère for­cée de trans­por­ter de la drogue par-delà les fron­tières, elle éclaire le sort de ces « mules », ces pas­seurs ainsi dénom­més par déri­sion. La crise ban­caire de 2008, les sou­bre­sauts politico-financiers qu’a vécus l’Islande servent de toile de fond aux magouilles ban­caires d’Agla. L’une est l’autre, pié­gées, vont devoir se battre pour retrou­ver leur liberté.
Avec des cha­pitres courts, alter­nant promp­te­ment les pro­ta­go­nistes, avec une écri­ture inci­sive et un style mor­dant, Lilja Sigur­dardót­tir offre une his­toire dense, une intrigue ten­due, jouant avec maes­tria sur le double jeu mené par nombre des acteurs du drame. Elle met en scène les flux inter­na­tio­naux de la finance, l’amour mater­nel, l’homosexualité féminine…

Autour de ces deux femmes prises dans une tour­mente dont elles ne sont qu’en par­tie res­pon­sables, la roman­cière construit une gale­rie de per­son­nages d’une grande véra­cité. Entre ce doua­nier revenu du “ser­vice public”, ces finan­ciers et poli­tiques plus féroces que des piran­has, ces tra­fi­quants avides et sans pitié…, elle laisse peu de place à des indi­vi­dus hon­nêtes.
Après Pié­gée (Métai­lié – 2017), Le Filet conforte l’excellence de cette roman­cière et donne à attendre avec impa­tience “La Cage”, le troi­sième tome à paraître chez le même édi­teur en 2019.

serge per­raud

Lilja Sigur­dardót­tir, Le Filet (Netid) tra­duit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün, Reyk­ja­vik noir — t.2, Métai­lié, coll “Biblio­thèque nor­dique”, mars 2018, 320 p. — 21,00 €.

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