En ces temps de commémoration de la révolution culturelle que constitua Mai 68, on conseillera la lecture attentive du livre d’Yves Chiron sur l’Eglise dans la tourmente de l’année 1968. Beaucoup de lecteurs découvriront dans cette étude très bien documentée une réalité proprement ahurissante : la participation non seulement de fidèles catholiques mais aussi de membres du clergé à cette autodestruction de la société traditionnelle, des hiérarchies et des mœurs qui s’opéra dans cette année comme nulle autre.
Contestation qui prit trois figures bien mises en avant :
- L’adhésion aux mouvements révolutionnaires combattant la société capitaliste et bourgeoise et la légitimation de la violence armée pour renverser cet ordre social injuste et instaurer le règne de Dieu sur terre en s’attaquant à la propriété privée.
- La participation active de certaines aumôneries catholiques et même de couvents aux manifestations estudiantines.
- La contestation interne à l’Eglise de la part de prêtres, d’ordres religieux, de séminaristes qui rejetaient le système hiérarchique, la liturgie traditionnelle et des pans entiers de la doctrine.
En réalité, le livre d’Yves Chiron permet de comprendre à quel point l’Eglise fut autant une actrice qu’une victime des bouleversements socio-politiques de la fin des années 1960. Car, replaçant ces évènements dans une perspective historique sur le temps long, l’auteur montre que cette crise venait de loin, des années d’après-guerre et peut-être même d’avant, mais qu’elle fut accélérée – et c’est à mon sens un point capital – par l’irruption dans le monde catholique et au sein de l’Eglise de la génération des baby-boomers.
Refus des hiérarchies, de l’autorité, fascination pour le communisme, refus des inégalités, dérèglement des mœurs : pas plus que les autres, les jeunes clercs n’échappèrent à leur époque et à leur génération.
L’autre intérêt du livre est de mieux faire comprendre ce que connaîtra l’Eglise dans la décennie suivante, celle des années 1970 : cette crise sans doute la plus grave depuis celle des XIVe et XVe siècles et dont les effets se font sentir encore aujourd’hui. Car cette génération marquée par 1968 prit les commandes dans le monde catholique – et comme dans le monde de l’enseignement, de la culture et de la politique – y imprima sa marque.
Les jeunes catholiques français qui liront cette étude découvriront un monde qui leur est totalement inconnu, tant les thématiques actuelles, les combats menés et les attentes sont différentes de celles de leurs prédécesseurs. Raison de plus pour leur en conseiller la lecture.
frederic le moal
Yves Chiron, L’Eglise dans la tourmente de 1968, Artège, avril 2018, 272 p. - 17,00 €.