Débordements du corps et de l’écriture
Figure émergeante de la diaspora somalienne, Warsan Shire vit entre Londres et Los Angeles et développe une écriture polyphonique qui interroge toute la complexité des mondes premiers, urbains et transculturels. La poétesse s’élève contre la domination masculine et patriarcale au sein de voix multiples et une qu’elle « scénarise ».
William Soury met en évidence l’originalité d’une écriture combinatoire et migratoire qui casse bien des hiérarchies. Et le critique de préciser un point essentiel de l’œuvre où « le corps saturé de fragments vernaculaires est une allégorie du paradoxe de l’exilé : narcissique et démantelé ». Et ce, dans divers pays où il se retrouve désarticulé par le corpus des langues des différents pouvoirs.
Celle de l’auteur reste néanmoins parfois trop alambiquée. Soury se fait parfois abbé d’un certain langage des clercs qui vient faire de l’ombre à la poétique du désir en jeu chez Warsan Shire. Toutefois, il faut saluer ce travail : il permet de préciser l’Imaginaire complexe de la Somalienne. Celui-ci appelle les femmes à s’occuper de leurs sœurs sans se préoccuper des attentes supposées des hommes et en faisant abstraction des préjugés sur la beauté et sur le lesbianisme.
La poétesse reste une voix neuve qui ose des formes de débordements du corps et de l’écriture. Ce qui est jugé comme illicite voire démentiel prend ici valeur de nécessaire outrage face aux mutilations (génitales et mais seulement) que subissent les femmes en Afrique comme dans les diasporas.
jean-paul gavard-perret
William Soury, Warsan Shire, Une voix poétique féminine de la diaspora somalienne, L’Harmattan, Paris, 2018.
Warsan Shire, Où j’apprends à ma mère à donner la naissance, traduction Sika Fakambi, Editions Isabelle Sauvage, 2018.