Les frontières douteuses entre rêve et réalité
Elizabeth Prouvost et Jonathan Abbou jouent sur l’opposition entre la réalité et le jeu des apparences. Le tout avec mystère : au regardeur de reconstituer à travers les émulsions ce qu’il voit, de retrouver des harmonies au milieu d’une intimité dévoilée selon diverses dérives. Ici Elizabeth Prouvost « quitte » le corps de la femme et sa « part maudite » (Bataille) pour d’autres filets de sens mais toujours selon la même perspective : montrer ce que le « maudit » possède de sacré.
L’exposition prouve que chaque particule du vivant, et sous divers registres, crée une rencontre, un envol. La prise devient une trame de regard, de peau et d’énergie qui remonte à l’élémentaire. Les deux artistes n’ont donc rien de naturalistes qui bloqueraient le vivant. Bien au contraire. Tout reste en un mouvement aussi tellurique que céleste mais sans la mièvrerie de la couleur.
Abbou insiste sur un certain drapé du monde, son alter ego sur d’autres évanescences. Les deux maîtres du nu offre à leur thématique première des prolongements. Il ne convient pas seulement d’évoquer la beauté de la nature comme celle de la femme : ce serait une redondance. Il s’agit de se replonger dans un bain de jouvence par les déplacements physiques que les deux photographes proposent en leur « science » du mystère.
A la représentation succède l’interprétation au sein d’une phénoménologie particulière. Elle propose une part cachée du monde par ses “enveloppes » naturelles et tout ce qu’elles peuvent exprimer de désir, de violence, brefs d’affects. En ce biais, les deux artistes continuent d’explorer dans leurs synthèses les frontières douteuses entre rêve et réalité comme autant de promesses et de résistances implicites au gabarit du royaume de l’apparence dite vériste.
jean-paul gavard-perret
Elizabeth Prouvost & Jonathan Abbou, Bestiaire, Herbier et autres Bestioles, exposition du 12 avril au 16 avril 2018, Galerie G. SPOT, 23 rue des filles du Calvaire, Paris 3ème.