Florence Delay, Haute Couture

Les oubliées

Les Saintes de Zuba­ran sont prêtes à entrer au para­dis en habit de gala. Mais ces habits cachent ce que la terre des hommes et leur cruauté lorsque leurs désirs sont igno­rés ont réservé comme sup­plices à de telles femmes. De tels habits cachent la modes­tie de leur condi­tion. Mais Zuba­ran a donné aussi une image abso­lue de ces saintes lais­sées dans l’ombre.
Flo­rence Delay ramène à la lumière et par ce biais l’œuvre du contem­po­rain de Velaz­quez. Il ne s’est pas contenté de scé­na­ri­ser les sept saintes que recom­man­daient de peindre un car­di­nal de l’époque. Zuba­ran a ouvert le champ. Mais l’histoire de l’art a laissé bien peu d’indices sur sa vie. Il a laissé un superbe tableau du Christ et une suite de saints en robe blanche qui ont fait sa « marque » : le blanc du peintre répond — selon l’auteure — au noir de Goya.

A l’inverse, les habits de ses saintes sont colo­rés. Et Flo­rence Delay à tra­vers une quin­zaine de tableaux en remonte les his­toires. Casilda de Tolède, Eli­sa­beth de Por­tu­gal, Mar­gue­rite d’Antioche renaissent sous ses lignes avec la pré­ci­sion d’une écri­ture aussi pré­cieuse que lim­pide. L’artiste les « ranime » par de mul­tiples réfé­rences. Elles ramènent plus près de nous à tra­vers F. Gar­cia Lorca par exemple, là où le des­sein du peintre rejoint celui d’un autre maître silen­cieux : Balen­ciaga.
L’auteure impose un uni­vers quasi fan­tas­ma­go­rique ins­piré par le maître des méta­mor­phoses et pour les pro­lon­ger en une superbe tra­vail de réin­ter­pré­ta­tion de celle qui demeure fami­lière de l’Espagne sous tous ses aspects. Le tout dans le souci du détail et la qua­lité d’écriture. Loin de toute assu­rance dog­ma­tique, elle fait remon­ter bien des secrets qui ne sont pas seule­ment d’alcôve ou de pou­voir. Dans une telle tra­ver­sée, le poli­tique rat­trape l’érotique mais celui-ci n’est pas une accep­ta­tion : il signe la révolte des femmes propre à cas­ser les sceptres phal­liques au nom de l’esprit de sainte-mère l’église même si elle ne fut pas exempte de com­pli­ci­tés répugnantes.

jean-paul gavard-perret

Flo­rence Delay,  Haure Cou­ture, Gal­li­mard, col­lec­tion Blanche,  Paris, 2018.

1 Comment

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One Response to Florence Delay, Haute Couture

  1. Marie guede

    Tres beau livre.
    Ana­lyse inté­res­sante j ai beau­coup aime

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