Eric Rondepiere a affronté le visage d’une femme située en face de lui. L’artiste évoque cette confrontation de la manière suivante : « Le regard se perd dans la cavité d’un front, ses dents semblent luire à côté de son visage ; son cou devient un chaos de formes sous un soleil confus de métamorphoses. Je n’ai rien oublié de ce que fait d’elle le clic de la souris. » La prise a donc entrapiné ce qu’il nomme une « catastrophe » et d’ajouter : « Une brume liquide et blanchâtre stagne à l’intérieur, de chaque côté d’un mur qui se dresse dans le cuir chevelu (…)Nul De toute la moitié supérieure émerge une trame de chair ou l’enroulement d’une chevelure, qui sait ? ».
Une telle prise et sa transcription plastique entraînent une série de blessures qui font que le beauté initiale de la femme se transforme en une sorte de pâte où tout se mixte de manière imprécise. Le visage ouvre à un chaos « tendu, contenu, encerclé par le visage » que l’artiste montre comme de manière faussement fortuite. Bref, le hasard fait bien ou mal les choses. Si bien que l’artiste tente d’embrasser toutes les figures du désordre « dépourvu de toute allégeance à quelque modèle vérifiable ».
« Détruire » dit-il en quelque sorte, mais en un exercice paradoxal d’admiration que l’artiste définit comme « en creux ». C’est un moyen à la fois d’enchanter et de réenchanter l’image loin de celles que proposent les écrans de cinéma dans leur mimesis.
C’est tout autant une manière de casser le système des images : « le personnage — visuellement, l’actrice — doit devenir autre, il doit se méconnaître, abdiquer. » L’artiste joue de l’illusion et la « transforme en un rêve de plus en plus abscons. ». Existe un jeu de masques qui démasque dans un travail de tension entre le jeu de la ressemblance et de sa distorsion.
L’artiste offre un autre type de « grâce » dans une série qui prolonge celle nommée “DSL” (Digital Suscriber Line) tout en rejouant par la bande les altérations proposées à la matière filmique (cf. ses Précis de décomposition et Moires) mais qui ne se limitent plus ici à des « glitches » : à savoir d’infimes perturbations dans le flux numérique.
jean-paul gavard-perret
Eric Rondepierre, F.I.J, Galerie Isabelle Gounod, Paris,du 7 avril au 12 mai 2018.
Livre Eric Rondepierre, f.i.j. , Nuit Myrtide Editions, 2018.
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