Les “visitations” de Julie Gilbert
Julie Gilbert a choisi un parti pris très particulier pour la création d’une poésie « à façon ». Elle s’est immiscée dans l’univers d’inconnus en proposant via son site ou au guichet de certains théâtres la commande de poèmes. Elle s’offre et offre une entrée dans l’univers de mandataires dont elle ne connaît souvent que le nom, le mail ou le numéro de portable. Mais l’auteure est coutumière de telles stratégies parallèles. Elle a par exemple profité d’une des trois boîtes créées par Sylvie Kleiber dans la White box au théâtre du GRU de Genève afin de travailler dans l’une d’elles.
La Franco-Suisse d’origine grenobloise et désormais lausannoise s’inspire donc du peu d’indices à sa disposition pour créer en des visualisations mentales des vacations plus ou moins farcesques ou romantiques en laissant libre cours à son imagination interprétative. Elle invente ainsi des cartes tendres d’un territoire dont elle ignore les abîmes comme les firmaments mais pour lesquelles elle trace sa propre ligne d’horizon en cette flèche tirée vers l’inconnu(e) et contre le néant.
De tels sauts par procuration et par l’éclat du poèmes inscrivent un transfert qui désaxe des assises des représentations voire des sécurités des mandants comme des lecteurs qui liront ce livre Paradoxalement, au cœur de l’enfermement que l’auteur reprend “à sa main”, s’entame un franchissement. Il vient à bout du cerclage du réel par effet d’apparition et de visitation.
jean-paul gavard-perret
Julie Gilbert, Tirer des flèches, Héros limite Editions, Genève, 2018.