Fidèle à son esprit de transgression en un bleu plus d’écume que de ciel, Jan Fabre propose des monochromes pour torcher les images en guerrier de la beauté, en se portant à la fois à faux mais tout contre les classiques. Contraint par sa notoriété à devenir au cours des dernières années emballeur, déballeur, livreur, transporteur, voyageur et touriste, le Belge revient au dessin pour cet hommage d’un genre particulier.
Dans le bain de révélation du bleu une confrontation agissante a lieu. Comme Jupiter, le voyeur est avec Callisto, Jan Fabre devient le Cupidon créateur d’un transfert particulier par le choix du monochrome des pièces sur papier qui doivent s’intégrer au sein de la « grande » peinture classique. L’artiste brouille ses cartes en une forme de retournement. Il crée le plaisir par la gêne pour des regardeurs qui peuvent rester interdits face à de telles pièces.
Le franchissement du seuil de l’art officiel passe donc par le “travestissement” du bleu. Il ouvre une épreuve aveugle particulière dans un numéro de strip-tease ou de peep-show. S’y créent des tourbillons oculaires à la violence troublante au sein d’une “nuit américaine”.
La peinture classique dont l’artiste respecte la facture graphique tombe de son décor pour rentrer dans un espace hybride par l’éclat du bleu sombre qui, soudain, crée un transfert qui désaxe des assises de la sécurité et la placidité de la contemplation.
jean-paul gavard-perret
Jan Fabre, The Appearance and Disappearance of Antwerp/ Bacchus / Christ (Special creations for the State Hermitage Museum), Galerie Templon, Bruxelles, du 18 avril au 2 juin 2018.