Une expression pathétique de la pathologie
On est accueilli dans un espace à vocation intime, intimiste même : invités à patienter au bar, dans un lieu feutré où un diseur de poèmes récite mécaniquement des versets à la demande. Une fois dans la salle, le public s’installe sur un plan incliné recouvert de pelouse synthétique. Lorsque le spectacle commence, on est averti qu’il s’agira de forme pure, théorie dramatique de Witkiewicz. L’intervention d’un spectateur agacé est l’occasion de produire une gêne simulée.
Sur la scène, le jeu est surexpressif, les comédiens font montre d’une exubérance dont on veut espérer qu’elle soit délibérée. La représentation est rythmée par des musiciens inspirés et par six danseuses animées par une chorégraphie tout à la fois mécanique et déliée qui se veut la métaphore d’une lutte chaotique pour la conquête de soi.
Un spectacle à prétention spéculative, sur un ton excessif. Le décor constitué par des miroirs mobiles permet de nombreuses variations de reflets. Pour la dernière partie de la représentation, les spectateurs sont conviés à se déplacer par les danseuses qui les entourent chacun son tour d’un lacet élastique. Il s’agit d’une maternité, d’amours impossibles, de grandeurs inoccupées, qui sont thématisées de façon sans cesse hyperbolique par des acteurs tantôt habités, tantôt distants. Des proférations théoriques, des incantations d’inspiration nietzschéenne.
L’ensemble revendique une radicalité slave : une expression pathétique de la pathologie, dont il est difficile de se dire édifié, en dépit de l’intérêt souvent fascinatoire qu’on prend à la représentation. Entre légèreté d’intentions ironiques et gravité des manifestations déclamatoires, le propos se nourrit de sa propre ambivalence, risquant toujours de se pétrifier en conférant un statut sérieux à l’auto-dérision.
christophe giolito & manon pouliot
Matka
d’après Stanislaw Ignacy Witkiewicz
adaptation, mise en en scène et chorégraphie d’
Elizabeth Czerczuk
© Mathieu Génon
avec Léa Briadarolli, Elizabeth Czerczuk, Aurélie Gascuel, Valentina Gonzales Salgado, Yann Lemo, Özge Pelin Tüfekçi, Jean-Philippe Robertella, Zbigniew Rola, Déaky Szandra, Jessie Toesca.
Mise en scène et chorégraphie : Elizabeth Czerczuk
Scénographie : Joseph Kruzel
Costumes : Joanna Jasko-Sroka
Décors : Damien Chutaux
Musique originale : orchestre composé de Thomas Ostrowiecki, Karine Huet et Ane Darieu.
Régie son, Lumières : Tsiresy Begana, Lucas Crouxinoux, Emmanuelle Stauble
Au Théâtre Elizabeth Czerczuk, 20 rue Marsoulan, 75012 Paris
01 84 83 08 80(10h-18h) contact@theatreelizabethczerczuk.fr
Du 8 mars 2018 au 14 avril 2018
Les jeudis, vendredis, samedis à 20h30.
Relâche les 29, 30, 31 mars 2018.