Pacôme Thiellement est comme Artaud un de ce ceux qui s’élèvent contre les théâtres truqués de tous les intellectuels en cours qui se dopent à l’idée Le poète ne cesse de les réduire au peu qu’ils sont. A l’exaspération et l’horreur font place les vrombissements du jouir d’un metteur en scène qui se moque de tout type d’images pieuses.
Certes, les penseurs n’en ont cure et lorsque leur coupe est pleine ils la remplissent encore. C’est là un contresens parfait que l’auteur affirme reprenant l’anti-doxa d’Artaud : « Pour moi il ne s’agit pas d’entrer mais de sortir des choses” (L’Arbalète n° 9, 1944). L’auteur prend le parti du serpent contre Adam déjà prêt à grimper dans l’arbre de son autosuffisance en faisant porter la faute sur le dos d’Eve. Elle aurait rendu Dieu hystérique et l’homme lâche. Voire.
Prenant le parti pris contre les hommes-couteaux qui se taillent la part des lions, sensible aux premières intensités et insanités de la méchanceté masculine affublée des « ses flics cosmiques » qui prennent le nom d’ange plus masculin qu’androgyne, l’auteur n’est pas un naïf. Choisir le parti du diable ne revient pas à s’exonérer de dieu. « Le maître des interdits et le gangster de la transgression » font cause commune : « l’interdit pousse à la transgression et la transgression renforce l’interdit.
Entre la véritable divinité et le Démiurge, « geôlier de l’humanité, aveugle, fou, idiot » tout est pipé. Les deux se répondent et s’appellent. Dans cet étau reste à tenter de vivre tant que faire se peut « en accord avec nos principes, quand les autres se disputent le bénéfice de notre souffrance. »
C’est là l’histoire du monde et de la prétendue connaissance des diverses gnoses. En véritable anarchiste, l’auteur espère changer les dés sans se faire beaucoup d’idées sur toute idée de Rédemption. Sinon par l’Amour cette « chose » la plus dite mais la moins partagée du monde. D’autant que pour croire le sauver certains l’ont érigé (tel Jésus) en loi libératrice. L’amour n’a cependant rien à voir avec le salut mais avec la vie. Nul besoin de sauveur et que les amants restent maudits !
En cette perspective, Pacôme Thiellement prend pour vivants piliers Artaud et Van Gogh. Il ne s’en prétend pas le successeur. Tout vrai créateur n’en a aucun. Mais, comme eux, il redonne au monde une « image » nouvelle, aussi physique que métaphysique capable « de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible, qui semble se trouver entre ce que l’on sent et ce que l’on peut ». Le reste est anecdotique.
Tout ne ferait que doubler et paraphraser le flux, la nausée, les lanières du feu d’Artaud et de Van Gogh. Comme ses aînés, l’auteur tisse par torsades le miroitement de la terre. Celle-ci éclate comme un ventre qui bâille et dont les entrailles sont moins de miel que de miasmes. A sa manière, l’auteur revient comme Artaud à l’essentiel : « copuler par le derrière le tari de l’idée de père » » (Histoire Vécue d’Artaud Momo).
Bref, il est un des rares à taquiner l’essentiel.
jean-paul gavard-perret
Pacôme Thiellement, Serpent, Maison Dagoit, Rouen, 2018 — 8,00 €.
Merci beaucoup bonne journée.http://customessaywrtsrv.com/