Wilfrid Lupano & Paul Cauuet, Les Vieux fourneaux — t.4 : “La Magicienne”

Les aven­tures pica­resques de trois vieux copains 

À l’entreprise Gavan-Servier, pen­dant que le P-DG exa­mine la maquette de l’agrandissement de l’usine, un bio­lo­giste angoissé arrive et pré­sente un œuf de… magi­cienne.
Sophie et Antoine, son grand-père, rentrent de la tour­née d’été du théâtre Le Loup en slip. Antoine a tenté de faire dire à Sophie le nom du père de Juliette, son arrière-petite-fille. Il a échoué et découvre, quand il fait état de son revers à La Chope, que ses amis avaient fait des paris. L’argent s’échange. C’est alors qu’il découvre le gros titre du jour­nal local quant à l’installation d’une ZAD pour défendre le ter­ri­toire où vivent des magi­ciennes den­te­lées, une espèce de sau­te­relles pro­té­gée par l’Europe et mena­cée par l’extension de Garan-Servier.
Entre­temps, Sophie accu­mule les décon­ve­nues. Sa camion­nette tombe en panne et le gara­giste est très pes­si­miste, le cou­vreur qui doit répa­rer son toit se décom­mande, comme son père qui aura du mal à trou­ver le temps de venir la voir…
Et la ten­sion monte au vil­lage entre les tenants et les oppo­sants à la ZAD. Débarque alors la bande à Pier­rot, Ni dieu ni maître, pour sou­te­nir les zadistes…

Si la sau­te­relle qui met en ébul­li­tion le petit monde des Vieux four­neaux est une magi­cienne, Wil­frid Lupano, pour sa part, est un magi­cien du scé­na­rio. À par­tir d’événements com­muns, pour ne pas dire ano­dins, il conçoit une intrigue solide, un récit pre­nant dans lequel il dis­tille faits socié­taux et atmo­sphère humo­ris­tique. Il pro­pose des dia­logues pétillants, d’une grande finesse, avec des pointes sar­cas­tiques quant à notre société, à nos atti­tudes. Il détaille ainsi l’installation d’une ZAD, il pro­pose une expli­ca­tion ration­nelle pour éclai­rer le fait qu’une entre­prise du bâti­ment ne tient jamais les délais. Cette répu­ta­tion solide à été maintes et maintes fois véri­fiée.
En veine de confi­dences, le scé­na­riste lève le voile, dans cet album, sur les mys­tères rela­tifs à la pater­nité de Juliette, sur celle du véri­table père de Sophie… Il donne les consé­quences de la déser­ti­fi­ca­tion des cam­pagnes, dévoile les acro­ba­ties finan­cières des entre­prises fai­sant tout pour échap­per à l’impôt. Il décrit les luttes de pou­voirs dans une asso­cia­tion locale, le tout avec un ton facé­tieux mais si per­ti­nent. Avec cette série, il fait souf­fler un grand vent de liberté, un exemple de résis­tance à l’injustice, à la bêtise et prône cette valeur bien gal­vau­dée qui est la soli­da­rité.
La gale­rie des per­son­nages est super­be­ment construite, bien repré­sen­ta­tive d’un micro­cosme déve­loppé dans un cadre local.

Mais ce récit, ces réflexions, aussi bien menés soient-ils, n’auraient pas le même impact sans le des­sin de Paul Cauuet qui réa­lise des “gueules” remar­quables, des pos­tures d’une belle véra­cité et qui sait rendre si visibles les sen­ti­ments, les émo­tions des dif­fé­rents pro­ta­go­nistes.
Avec Les Vieux four­neaux Wil­frid Lupano livre une belle his­toire d’amitié et un regard pro­fond, sous cou­vert d’humour, sur notre société et ses dérives. Une série qui doit figu­rer abso­lu­ment dans toute bédé­thèque digne de ce nom.

serge per­raud

Wil­frid Lupano (scé­na­rio) & Paul Cauuet (des­sin), Gom (cou­leurs), Les Vieux four­neaux — t.4 : La Magi­cienne, Dar­gaud, novembre 2017, 56 p. – 11,99 €.

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