Catherine Ursin n’a jamais fait sienne la phrase de Winnie dans Oh les beaux jours de Beckett : “Assez les images”. Mais pour autant, elle ne les laisse pas en paix. Il faut que ça saigne. Les monstres sont au premier plan. L’artiste ne flatte jamais la bête mais d’une certaine manière la caresse, en rappelant que ses morphologies ne trompent jamais : sous la bête l’homme (ou la femme) n’est jamais loin tant la parenté est évidente.
L’artiste fait renaître des zombies, ce qui n’est pas pour déplaire à Kenny Ozier-Lafontaine. Exit les bonnes manières et les portraits bien léchés (sauf s’il s’agit de leur derrière). Exit tout autant Manet ou Derain voire Matisse, et l’artiste pourrait dire comme Beckett : “Manet navet, Derain inconcevable, Renoir dégob, Matisse beau bon Coca-Cola”.
Pour Catherine Ursin, les images doivent être autre chose que la possession carnassière des apparences, autre chose que cette mimesis en laquelle, depuis la Renaissance italienne, elles se sont splendidement fourvoyées et dont le prétendu “réalisme” représente la forme la plus détestable. L’artiste et l’auteur ne nous embêtent jamais avec des histoires d’objectivité et de choses vues.
Pour Catherine et Kenny, le réel semble victime d’une erreur de distribution. Subsiste un étrange ordre des choses, fait de chaos et de joie. A ce titre, la création poétique et visuelle reste la quête suprême par la “figuration infigurable”.
Et ce, à l’aide d’images que l’artiste reprend à sa main pour les effacer et les réengendrer dans le rêve de faire surgir les montres qui nous habitent et que le poète cristallise dans un volontaire « mal dit » au sucre de cannes. Celles dont on fait le rhum et non les adjuvants à la manche de ceux qui en ont abusés.
jean-paul gavard-perret
Catherine Ursin & Kenny Ozier-Lafontaine, Les blagues, Les crocs électriques, Paris, 2018 — 5,00 € .
Catherine Ursin, Ecritures, Exposition du 22 mars au 19 avril 2018, Galerie D’un livre l’autre. Lecture-performance avec Kenny Ozier-Lafontaine le 12 Avril.