Un regard noir sur des USA en fantasmes
Megan, une jeune femme, entre dans un club de Broadway où se produisent Ona et Jude, un couple qui pratique l’Acte d’amour. Elle n’est pas là par hasard, mais pour Jude. Elle travaille pour I.A.P. (Invisible Art Production) et cherche des talents. Elle lui propose de tourner dans un film et si ce n’est pas le premier rôle, ce n’est pas de la figuration.
Parallèlement, Sina Songh, la fille de celui qui dirige la Compagnie de Chinatown, jette son dévolu sur Jude, ne faisant pas mystère du fait qu’il l’intéresse, mais qu’elle le jettera quand elle se sera lassée de lui, qu’elle considère comme un jouet. Il retrouve Megan qui lui fait passer un test par son assistant Pakap Salem. L’essai est concluant, mais le grappin mis par Sina pose problème. Avec l’aide de son assistant, Megan va tout faire pour “libérer” son poulain. Elle est persuadée qu’elle ne s’est pas trompée et qu’il est l’homme qu’il faut pour le rôle car : “Il a du potentiel. Il est maniable. Il est sexy. Il peut plaire… surtout au public que l’on vise… Le public de l’I.A.P.”
Le pouvoir des sens, celui des corps, le pouvoir de décider de la vie des autres sans retenues servent de support à la nouvelle intrigue imaginée par Jean Dufaux. Sur les talons de deux femmes qui veulent le même homme, mais pas pour les mêmes raisons, le scénariste installe une atmosphère de mystères et de violence. Les méthodes mafieuses avec coups et intimidations s’exercent sur Ona et sur Jude. La part de mystère s’appuie sur quatre éléments. Que cherche réellement Megan ? Qui se cache derrière I.A.P. et quels sont les buts poursuivis par cette organisation ? Pour quel public travaille-t-elle ? Quel est le véritable rôle destiné à Jude ?
Le graphisme de Guillem March est absolument superbe. Ayant beaucoup travaillé à la mise en images de comics, il donne parfois des proportions proches de celles de super-héros. Mais sa mise en images, la succession des vignettes, la mise en couleurs à base de teintes douces, de tons pastel, donne à l’ensemble une inflexion particulière qui réjouit l’œil même quand ce ne sont pas des plastiques féminines.
Un premier album prometteur riche en éléments d’intrigue, riche en interrogations, servi par un dessin de qualité dans une mise en couleurs des plus réussies.
serge perraud
Jean Dufaux (scénario) & Guillem March (dessin et couleurs), The dream — t.01 : Jude, Dupuis, janvier 2018, 56 p. – 14,50 €.