Tertullien (Patrick Pineau / Hervé Briaux)

La repré­sen­ta­tion de la remise en cause de la représentation 

Le comé­dien entre de façon impromp­tue ; affable, il remer­cie l’ouvreuse. Puis, soi­gneu­se­ment, avec un brin de solen­nité, il prend la pose, à la table. Inten­tion­nel­le­ment, avec déter­mi­na­tion, il sou­lève des ques­tions méta­phy­siques dont on devine, par leur enchaî­ne­ment, qu’elles ne rece­vront pas de réponse. Le pro­pos est posé, un brin per­ché, il adopte un ton péda­go­gique et pro­pi­tia­toire. Un rien doc­tri­nal, le per­son­nage pro­fesse son ensei­gne­ment.
L’invective cache une argu­men­ta­tion à pré­ten­tion démons­tra­tive. L’origine des spec­tacles est ido­lâ­trie. Dont acte. Les mises en scène sont l’occasion de célé­brer le règne de Bac­chus et d’Aphrodite. Soit. Les argu­ments finissent par s’envenimer, condam­nant toute repré­sen­ta­tion, toute image. Ter­tul­lien nous can­ton­ne­rait à la claus­tra­tion, sinon à la mort.

On assiste à une expli­ca­tion mani­chéenne de l’ordre du monde qui entend consti­tuer à par­tir de la dénon­cia­tion des plai­sirs une apo­lo­gie de la reli­gion chré­tienne. La mise en abyme consti­tuée par la repré­sen­ta­tion de la remise en cause de la repré­sen­ta­tion ne manque pas de jeter sur le pro­pos une lumière iro­nique. La conju­ra­tion un peu gran­di­lo­quente des illu­sions ren­voie à la valeur de la vérité, défi­nie exclu­si­ve­ment dans sa pureté, qu’on ne peut atteindre que dans le consis­toire privé de l’âme, elle seule à même de don­ner à voir, voire à repré­sen­ter, le verbe dans son inamis­sible immu­ta­bi­lité.
Le ser­mon sévère confi­nant à l’interdiction de toute mons­tra­tion est poussé à son point de rup­ture par la délec­ta­tion du spec­tacle de la rédemp­tion, la jubi­la­tion du juge­ment dernier.

A terme, Hervé Briaux pro­pose un « bord de scène », occa­sion d’expliciter les prin­cipes de son adap­ta­tion, de faire par­ta­ger son inten­tion, de se livrer à quelques échanges avec le public. Quelque peu sur­pris par la forme spon­ta­née du pro­pos, les spec­ta­teurs recon­naissent leur plai­sir d’avoir décou­vert un texte ou un auteur inattendu(s) au théâtre, dans une mise en scène dis­crète mais efficace.

chris­tophe giolito

Ter­tul­lien

(d’après le De Spec­ta­cu­lis de Tertullien)

mise en scène Patrick Pineau, adap­ta­tion et avec Hervé Briaux

Lumière : Chris­tian Pinaud ; son Nico­las Daussy.

Au Théâtre de Poche Mont­par­nasse, 75, bou­le­vard de Mont­par­nasse, 75006 Paris Tél 01 45 44 50 21.

http://www.theatredepoche-montparnasse.com/project/tertullien-contre-les-spectacles/

Du 18 jan­vier 2018 au 24 mars 2014.

Du jeudi au samedi à 19h, le dimanche à 17h30.

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