Maurice Renoma montre le monde tel qu’il est. Ou plutôt tel qu’il est donné à voir. Ne restent que les diktats de la désinformation en continu. Et le photographe en rajoute une couche. On est partout et nulle part. Mais à Paris surtout. Cela pourrait être rue du Volga ou dans le boyau qui donne dans la rue des Maraîchers, pas plus large qu’une voie de chemin de fer et qui ressemble à un bras intestinal.
Le photographe remonte des images tel un patrouilleur mais surtout un metteur en scène. Ses photos sont des thrillers en plans fixes. Il y a des têtes posées sur un oreiller de béton, deux jambes qui sortent, deux jambes molles comme épluchées de leurs bas Nylon. Mais la tête respire, les lèvres s’ouvrent comme au ralenti. Les femmes restent toujours sexy, cheveux épars, longs et blonds. Et des yeux, des yeux…
Bref, d’une certaine façon de telles images critiques amusent et cicatrisent. Mais tel un pansement se met sur une jambe de bois. Et Maurice Renoma le revendique comme tel. C’est à la fois dur, sans concession mais la vie s’ouvre comme jadis chez Godard ou dans les films noirs hollywoodiens (avec Mitchum) dont le photographe renouvelle les détournements de mineures ou de femmes mures.
Le monde est biaisé, travaillé au couteau, à la cigarette et pire. On découpe, on torture mais le tout dans un univers classieux à la « Univers Sale ». Sous le glauque, les femmes sont presque nues, souriantes, magnifiques. On imagine leurs longs cheveux battant leur dos jusqu’au cul. Seins géants aux pointes dressées. On les sent parfois amoureuses si l’on se fie à certains gros plans. Leur bouche. Leurs yeux, ah leurs yeux ! Et parfois des jambes attachées aux montants d’un lit, de grandes lèvres luisantes, roses. Mais la peur dans ses yeux. Et la frénésie dans ceux de bourreaux du quai de Béthune.
L’une est à plat ventre. L’autre sur dos. Sur une table. Sur un lit. Les couleurs avivent le noir de tels romans de garces et de malfrats. Renoma se fait tireur de portraits de tireurs d’élites en carton pâte. Mais Bang ! Bang ! Il faut que sa saigne. Et parfois, pour finir le travail, une batte de base-ball, des clous, un marteau voire une lampe à souder sont nécessaires. Des jambes sont dans le vide, ballantes. Les victimes sont quasi évanouies, il faut les tenir par les oreilles.
Gros plan sur un gangster en planque ou en en cavale. Gros cul. Gros connards aux cheveux gras. L’image est impayable en ses coffrages. On devine qu’à l’intérieur le ciment est en train de sécher autour d’un cadavre. Exquis, le cadavre.
jean-paul gavard-perret
Maurice Renoma, Série Noire, Souplex Renoma, Paris XVI ème, du 13 avril au 13 juillet 2018.
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