Patricia Cartereau & Albane Gellé, Pelotes, Averses, Miroirs

Quit­ter l’asphalte

Un tel livre frise la per­fec­tion par son périple à deux. Les voya­geuses ignorent les dos d’âne. Sans pour autant les sau­ter. Pre­nant leur temps, elles réparent les nids d’hirondelles là où  des cha­pe­lets de che­nilles — armées  de bous­sole interne et sachant appa­rem­ment où elles vont — les doublent. Ce qui n’est pas le cas des deux cha­pe­rons rouges. Elles ne s’en sou­cient guère mais  - du moins c’est ce qu’elles subo­dorent — elles fini­ront « par retrou­ver le cap, en sou­ve­nir / des bateaux qui s’appelaient Le pour­quoi pas ».
Dans cette road-story (bitume en moins), elles consti­tuent un ani­ma­lier d’un genre par­ti­cu­lier : de la bête il ne reste sou­vent que sa car­casse, son scalp, ses poils, des bois de cerfs et des osse­lets épars. Quant au « livre de leçon de choses », ne demeurent que frag­ments aban­don­nés : branches, épines et herbes hautes, racines, arbres d’une forêt peu pro­pice aux songes. Pour preuve : des pieds rouges s’essuient dessus.

Bref, sub­sistent les dépôts que la nature laisse à sa sur­face et qui se découvrent pour celles qui savent quit­ter l’asphalte pour la jungle des bois. Et ce que la nature a  pu sau­ver, les gour­gan­dines ne le laissent pas for­cé­ment en place : super-nanas, elles enjambent les lacs, démontent les toits, envoient en l’air ce qui traîne et écrasent ce qui pré­tend au ciel (sep­tième ou non n’est pas leur pro­blème).
Emergent pour tout via­tique, entre calme et brû­lure, des pay­sages sur les­quels les femmes agissent de leurs mots et de leurs images.  Patri­cia Car­te­reau qui a poussé à ce voyages en retient traces et indices de pas­sages. Et le décor s’ouvre par les mots d’Albane Gellé pour l’écarter à sa guise. Tout néan­moins reste secret et poétique.

Rares sont les livres qui per­mettent un tel  plai­sir intel­lec­tuel et sen­so­riel. Le ter­ri­toire rem­place la carte qui indique  « vous êtes ici » (preuve que les nou­velles vont vite…) et où la fable prend valeur de vérité sauf pour les opti­ciens qui galopent sur leur mon­ture. Ici, la plas­ti­cienne n’est plus en quête de for­mules et la poé­tesse de lieux réels : par ce ren­ver­se­ment gra­cile le charme joue à plein.

jean-paul gavard-perret

Patri­cia Car­te­reau & Albane Gellé,  Pelotes, Averses, Miroirs, Lec­ture de Ludo­vic Degroote, L’Atelier Contem­po­rain, Stras­bourg, 2018, 168 p. — 25,00 €.

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