Agnès Riva a le don pour décrire les amours pas totalement ratées quoiqu’illicites. Qu’une femme traite le sujet n’est pas anecdotique. L’aventure est traitée de manière délicate, impertinente et profonde. Drôle aussi : et le titre en témoigne. De telles histoires forcent en effet à explorer des géographies étranges. Les amants découvrent des lieux dont, sans leurs amours, ils auraient tout ignoré. Et cette manière de raconter redonne consistance aux rencontres au moment où, sous la pression de la vie professionnelle et familiale, certains se contentent des amours virtuels via site de rencontre.
Nous devenons les voyeurs des tourtereaux. Tombés en pamoison sur leur lieu de travail (c’est là que le plus souvent se font les rencontres), mariés, ils doivent sacrifier leurs ébats à des lieux de fortune : l’habitacle d’une voiture, un salon de thé, une chapelle, une chambre d’hôtel. L’amour redevient un cinq à sept, parfois en plus court et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Il existe dans cette rencontre une manière de vivre sans pour autant négliger une dose d’amertume. Mais, comme souvent, la femme voudrait plus et l’homme se contenterait de moins. La première serait prête à tout révéler, son coquin freine des quatre fers et fait avaler des couleuvres. Agnès Riva (qui semble bien connaître un tel amarrage) expose combien les géographies étroites finissent pas écraser les sentiments. Car cette illumination passagère conduit au cœur des ténèbres.La romancière nous renvoie à un univers connu par beaucoup.
Elle fait des amants des rescapés trop vite abandonnés par leur rêve là où tout finit en des traces frugales. Elle permet aussi de comprendre ce que souvent on n’ose affronter de face : non l’histoire elle-même mais des données pipées par une incompétence notoire à la tromperie ou une capacité au double langage. L’un en est capable, l’autre pas.
Il y aura eu néanmoins quelques moments rares. Agnès Riva les rend visibles. Son héroïne a trouvé quelque chose qui n’appartient qu’à elle. C’est pourquoi, à sa manière, l’auteure agit comme une enchanteresse en sa théâtralité du commencement qui installe un univers profond : un rêve si l’on veut.
Mais, peu à peu, il s’assèche à travers des paysages qui forment de moins en moins un horizon mystérieux.
jean-paul gavard-perret
Agnès Riva, Géographie d’un adultère, Gallimard, Paris, janvier 2018, 128 p. -13,50 €.
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