Muma, Je ne suis pas d’accord avec moi-même

Le tobog­gan de l’ours blanc

S’adres­sant aux femmes les plus diverses — légères ou non là n’est pas son pro­blème -, Muma pré­tend écrire sur l’inutilité de l’art, de la lit­té­ra­ture (même épis­to­laire…) sous une cause intime : l’emprise d’échecs répé­tés en pein­ture. L’artiste pré­tend s’y être encroûté comme le prou­ve­rait ses tableaux « lourds, moches, indi­gestes et dégoû­tants ».
Nulle ques­tion de venir à bout d’un tel exer­cice d’auto-crucifixion où les pin­ceaux tiennent lieu de clous. Il peut néan­moins être conseillé au pas­sage à l’artiste d’aller faire un tour chez un autre suisse : Ben et son  “tout à l’égo”.  D’autant qu’il serait facile de rétor­quer aux jéré­miades de celui qui joue le tâche­ron : qu’importe le fla­con d’essence téré­ben­thine pourvu que naisse l’ivresse.

Elle est bien pré­sente dans ce livre où l’automutilation suit son cours pour une cause com­mune. Celui qui se sent laid et étran­ger en lui-même et qui ne fait que gas­piller ses maté­riaux et la sueur de son corps n’est tout compte fait ni pire ni mieux que ses sem­blables, ses frères mais il ose le dire.
S’ensuit face à la pré­ten­tion humaine, entre autres  l’apologie de l’olivier, vieux par nature, et sur­vi­vant incre­vable au mal que lui font le temps et les hommes jusqu’à « deve­nir une sorte de sculp­ture, de work in pro­gress, par la force des choses. Avant ça, il est autre chose ». Et c’est ce qui manque à l’art selon Muma.
La créa­tion est tou­jours trop jeune et ce, de plus en plus, face à l’accélération des temps post­mo­dernes. Les oli­viers de l’art actuel ne seront cré­dibles qu’avec l’histoire. Elle éli­mi­nera les impos­teurs et trou­vera que les vrais arbres comme les vraies images se défendent toutes seules.

En atten­dant, ces lettres aux dames (« de la culture, du musée, des cimaises, de l’art, des bourses, des-carottes-sont-cuites, et des livres ») per­mettent de faire le ménage. Elles rap­pellent que bonnes ou mau­vaises les images entrent en nous par effrac­tion. Comme le réel lui-même et pour le média­ti­ser, elles créent un jeu de dupes.  Et dans le meilleur des cas un jeu de jupes dont il est si attrayant de sou­le­ver le fes­ton pour fes­toyer à outrance.
Et Muma de rap­pe­ler avec quelle four­be­rie une image devient « hour­loupe » selon Dubuf­fet et « entour­loupe » selon lui. Son livre est là pour, et par sa folie conton­dante, nous rame­ner à la rai­son. Face à cette image qui nous tient par la bar­bi­chette, l’auteur choi­sit de raser cette der­nière afin que nous ne soyons plus dupes de mys­tères qui n’en sont pas et de pré­fé­rer ceux où il est dif­fi­cile d’y voir clair. Cela devient donc une autre affaire pour les imberbes.

lire notre entre­tien avec l’auteur

jean-paul gavard-perret

Muma,  Je ne suis pas d’accord avec moi-même, art&fction, Lau­sanne, 2018, paru­tion cou­rant mars 2018.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Espaces ouverts

One Response to Muma, Je ne suis pas d’accord avec moi-même

  1. Joerg

    Merci jean-paul 2.Bisous,

Répondre à Joerg Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>