Laetitia Da Beca — Corbomecanik & la mécanique des corps : entretien avec l’artiste

Artiste visuelle et per­for­meuse, met­teur en scène, pho­to­graphe, gra­phiste, des­si­na­trice, peintre, modèle, créa­trice de bon­dage, Lae­ti­tia Da Beca aka Cor­bo­me­ca­nik est très influen­cée par le roman­tisme, la bio­mé­ca­nique, le cha­ma­nisme, le dan­dysme, le sur­réa­lisme, la danse, l’art tri­bal et la musique gothique (mais pas seule­ment). Son objec­tif, l’artiste le résume ainsi : « Notre corps est le reflet de la nature, notre rap­port avec lui est à l’image de celui de l’humanité avec la terre ».
Face à l’homme (qui n’est plus for­cé­ment bandé comme une arba­lète mais avec des cor­de­lettes), la créa­trice ne met pas for­cé­ment à l’aise les spec­ta­teurs plus habi­tués au bon­dage fémi­nin. S’y découvre une cor­po­ra­lité variable et l’artiste donne à « étreindre » le secret des formes qu’il ne s’agit plus seule­ment de cares­ser. L’art de la repré­sen­ta­tion se méta­mor­phose en re-présentation. Cette atmo­sphère est la gra­vité d’un regard atten­tionné. Il faut recon­naître à l’artiste la puis­sance de mon­trer sans l’exhiber la par­tie consi­dé­rée comme la plus lourde et la plus fer­mée de notre iden­tité : la chair plis­sée des rêves.

Existe tou­jours dans de telles œuvre un équi­libre entre une cer­taine alié­na­tion et l’émotion. En dépit de leur sujet, les images res­tent chastes au sein de com­po­si­tions aussi léchées que baroques. Elles font de la créa­trice celle qui est moins à la recherche de cli­chés que de l’idée de la pho­to­gra­phie sous l’œil-lumière de l’ombre au soleil, où les sil­houettes deviennent des fleurs car­ni­vores incon­nues d’elle-même.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Cette ten­sion qui me chu­chote que la vie est courte.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je ne les ai jamais aban­don­nés. Je com­mence à peine à les concré­ti­ser réellement.

A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé à ren­trer dans cer­taines normes, ce fut le jour de ma libération.

D’où venez-vous ?
J’ai envie de dire de « la bleue » mais je viens aussi de Paris ( France ) : mon coté urbain et de Nazaré ( Por­tu­gal), beau­coup du proche de la nature… cette sym­pa­thique schi­zo­phré­nie se res­sent dans mon tra­vail photographique.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
J’ai un gros héri­tage, j’ai par­fois peur de ne pas être à la hauteur.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Ma démarche est plu­tôt hédo­niste , un hédo­nisme qui vient de la conscience de la souf­france donc, oui bien sûr.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Rien et tout… Je pense que nous avons tous la même démarche mais pas la même histoire.

Com­ment définiriez-vous votre approche du corps ?
J’y cherche l’âme et l’historique émo­tion­nel de chacun.

Com­ment avez vous choisi votre Aka ?
Un jeu de mot d’oiseau… L’animal totem : le cor­beau (entre deux mondes), un clin d’oeil à Kubrick, une réfé­rence à une cer­taine esthé­tique et puis la méca­nique des beaux corps…

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Une pho­to­gra­phie noire et blanche chez mes parents, tirée d’un film grec magni­fique dont je ne retrouve plus le nom… sur l’amour de deux très jeunes ados pêcheurs, le jeune blond et la jeune brune… donc une image de la jeune fille nue dans son filet de pêche, che­veux courts, seins nais­sant… cette image me fas­ci­nait tota­le­ment car je n’arrivais pas à la situer : enfant ou adulte, fille ou garçon…

Et votre pre­mière lec­ture ?
« L’appel de la forêt », Jack Lon­don… une claque du haut de mes 7 ans.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Grande, grande consom­ma­trice de musique…. une extra­or­di­naire machine à voya­ger dans l’espace et le temps. Je pense qu’il y a des choses de qua­lité par­tout. Mais bien sur mes ten­dances roman­tiques du 19e sont res­sor­ties à tra­vers une cer­taine culture dite « gothique ».

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Peut-être bien « L’appel de la forêt » justement…

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Babel » d’Inarritu m’a fait pleu­rer plu­sieurs fois. Et la scène de transe et d’exorcisme en Kaby­lie dans « Exils » de Tony Gat­lif, je ne peux pas la vision­ner jusqu’au bout sans que l’esprit de l’eau n’intervienne.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je com­mence à accep­ter mon reflet. Il a fallu embras­ser mes fautes pour accep­ter mes côtés positifs.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je ne vois pas. Les per­sonnes avec les­quelles j’ai un gros besoin de par­ler ne sont plus de ce monde.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le choix est dif­fi­cile. Beau­coup d’endroits m’attirent. Mais je répon­drais peut-être le Pôle Nord.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Il y en a beau­coup. Proche est sans doute pré­ten­tieux mais je dirais que je me suis iden­ti­fiée à pas mal d’entre eux, ça m’a aidé à faire ma propre thé­ra­pie.
Je me lance : Peter Mur­phy, Blixa Bar­geld , Nick Cave, Bau­de­laire, Nietzsche, à la fois Patti Smith et Map­ple­thorpe, Artaud,Virginie Des­pentes… etc. etc.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Des amis qui se sentent bien chez moi.

Que défendez-vous ?
Une cer­taine huma­nité qui se regarde en face.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
… Je pré­fère Carmen…

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Le posi­ti­visme qui ne sombre pas dans la niai­se­rie est plu­tôt rare de nos jours.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Est-ce que ces ques­tions vous ont aidé sur votre che­min ? …oui, d’une cer­taine manière.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 28 février 2018.

1 Comment

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One Response to Laetitia Da Beca — Corbomecanik & la mécanique des corps : entretien avec l’artiste

  1. Christophe Rojo Ortega

    Suis.…FAN !!!!! Bises

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