Les affinités électives d’Elisabet Chabuel (Beckett, Duras, Celan, Pasolini, Georgia O Keeffe, Etel Adnan, Pina Bausch, etc.) permettent de comprendre la force de sa recherche littéraire. Elle creuse des mystères, éclaire certaines folies en des textes portés par une sourde douleur et un ébahissement devant ce qu’elle peut engendrer.
Nourrie de légendes balkaniques ou des grandes peurs de la montagne, la créatrice souligne la cruauté de nature érotique face à un « ordre » où, derrière la raison, surgissent des forces aberrantes et souterraines, tragiques et hélas ! obstinées, monstrueuses. Il existe dans une telle œuvre une frénésie et une violence mais elle est toujours contrôlée, condensée afin de devenir plus prégnante et poétique où « le désir s’épanouit comme un chagrin / A travers la tissure de son voile ».
De l’auteure : La légende de la belle Justine, Editions l’Imprévue, 2018, 61 p. — 15,00 €.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’odeur du café.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Beaucoup sont partis en fumée. Quelques-uns restent à réaliser…
A quoi avez-vous renoncé ?
À devenir vétérinaire ou à sauter en parachute.
D’où venez-vous ?
Du Vercors et des Balkans.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Des histoires.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Aller au café et écouter les gens.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes?
Le doute peut-être.
Comment définiriez-vous votre approche des “légendes” ?
En permettant d’allier magie et réel sans a priori, le registre de « la légende » me donne la possibilité de parler de la violence du monde, de façon imagée, sans la dire tout à fait tout en la disant crûment.
Certaines légendes sont tellement ancrées dans ma mémoire qu’elles font partie de ma propre expérience.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Les deux pieds de Jésus cloués avec un seul clou.
Et votre première lecture ?
« Jane Eyre ».
Quelles musiques écoutez-vous ?
Le boléro de Ravel, The Köln concert, Ibrahim Maalouf, Le Trio Joubran…
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Cap au pire » de Beckett.
Quel film vous fait pleurer ?
« L’Éternité » et « Un jour » de Théo Angélopoulos.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je vois le temps : simultanément le visage de ma grand-mère et de mes tantes, celui de ma mère, le mien, celui de ma sœur, et celui de mes filles.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À Christiane Taubira.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Berlin.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Beckett, Duras, Celan, Pasolini, Sebald, Paul Klee, Chagall, Georgia O Keeffe, Alejandra Pizarnik, Etel Adnan, Pina Bausch, Mathieu Riboulet, Yannick Haenel, …
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un bouquet de fleurs.
Que défendez-vous ?
L’espoir, la liberté individuelle, l’égalité des chances.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cette phrase ne me parle pas beaucoup.
Pour m„i l’amour c’est quelque chose qui peut tout changer d’un coup, le regard qu’on porte sur l’autre, sur soi-même, sur les choses, sur les autres et sur le monde. Tout d’un coup, on s’éveille et tout devient possible…
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
J’aime bien cette phrase. Elle sous-entend une confiance absolue dans celui qui pose la question.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Peut-être une question sur la mort…
Ou plutôt sur l’avenir lointain, la survie ou la transmission…
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 26 février 2018.