Gérard Garouste revient à la galerie Templon avec une nouvelle série d’œuvres rassemblées sous le titre grec Zeugma (le pont, le lien). Les narrations de genre romanesque ou mythique sont remplies de relents hétérodoxes. L’Ancien Testament dans des aspects noirs et ombrageux est en filigrane sous une apparence profane. Les cendres et les tempêtes couvent là où le peintre cherche à exhumer le caché, et accorder une rédemption à la trace enfouie dans les ténèbres pour esquisser l’idée du passage et de la transmission.Une fois de plus, Garouste prouve qu’aux questions de théories esthétiques il préfère une création capable de faire remonter une pente existentielle et l’espoir d’une rédemption au début de visions tourmentées – mais pourrait-il en être autrement chez ce peintre ? Il rend visible l’inconnu ou plus modestement se confronte à « son suspens ». Et de telles images font écho à la fameuse Méguila d’Esther à laquelle l’artiste consacra un livre (Editions Hermann, 2016) et qui pour lui reste le texte qui « est peut-être le plus beau des sujets pour un peintre ».
L’artiste fait ici le lien entre Dieu et les hommes afin de présenter sa propre vision du secret, du caché. L’œuvre prend sa source dans la nécessité de sauver les hommes en se levant contre la parole de certains « re-pères » et dans la volonté de peindre jusqu’à l’épuisement. Quoique leurs sujets soient souvent dramatiques, les toiles de la série deviennent une manière de relire, reprendre, défaire les noeuds de l’Histoire et son récit.
Les images éclaboussent. Leurs personnages s’y redressent et se battent au sein de brasiers. Mais de tels héros ne meurent jamais : ils étaient morts avant. Adam terrasse le serpent, n’attache pas à Eve une quelconque faute et Lazare arpente à nouveau le monde.
Bref, Garouste ne cesse de s’éloigner de ce qui le cloue même si cette narration picturale ramène à un trou de « folie ». A mesure qu’il y avance surgit une sensation non de dérive mais de résurgence. Et si « mes toiles n’affirment rien » (comme il l’écrit), elles deviennent des échardes qui se desserrent.
La peinture demeure sombre mais la nuit remue. C’est le moyen d’exister avec une sensation de brûlure inguérissable mais aussi une pluie d’étoiles au milieu de l’ombre.
jean-paul gavard-perret
Gérard Garouste, Zeugma, Galerie Templon, Paris du 15 mars au 12 mai 2018.