Andreas Eschbach, L’Or du diable

Que ne ferait-on pas pour la richesse…

Andreas Esch­bach écrit autant pour les adultes que pour les ado­les­cents. Peu pro­lixe, cha­cun de ses romans retient l’attention tant le sujet est attrac­tif, traité de manière nova­trice. Avec  L’Or du diable, il aborde, par le biais de l’alchimie, de la pierre phi­lo­so­phale, nombre de sujets connexes. Il crée un pont entre un Moyen Âge friand de ces recherches et notre civi­li­sa­tion où des indi­vi­dus res­tent tou­jours avides de richesses et de pou­voir.
Si la croyance en une pierre phi­lo­so­phale n’est plus guère cré­dible, la doc­trine qui s’y rat­ta­chait devrait tou­jours pré­va­loir : la trans­mu­ta­tion devait d’abord tou­cher l’alchimiste avant les métaux vils.

Une troupe de cava­liers menée par l’écuyer du che­va­lier Bruno von Hir­sch­berg, en 1295, aide un vieillard dont la char­rette est enli­sée au milieu d’un guet. Celui-ci, intri­gué par le poids de la misé­rable car­riole, l’emmène au châ­teau. Ils découvrent un coffre très lourd que le vieillard refuse d’ouvrir. L’homme qui le force est aveu­glé par une lueur si intense que ses yeux fondent. Ils recon­naissent la pierre phi­lo­so­phale.
Hen­drik inter­rompt la lec­ture du mince volume qu’il a déni­ché chez un bou­qui­niste. Lorsqu’il veut l’acheter, le ven­deur le reprend vite pré­tex­tant qu’il est retenu. Frus­tré, Hen­drik pro­fite d’un appel télé­pho­nique pour voler le livre. Il rejoint l’hôtel de luxe où il doit assu­rer sa pre­mière confé­rence sur l’investissement finan­cier pour la société de pla­ce­ments qui l’emploie. Pas­sionné par le contenu de la pla­quette, il suit les aven­tures de John Scoro, l’alchimiste, jusqu’à sa mort, épuisé par la pro­duc­tion inten­sive d’or impo­sée par Bruno qui veut finan­cer une nou­velle croi­sade. Le récit se ter­mine par le décès du che­va­lier dans l’armure d’or qu’il a fait confec­tion­ner. Sur une der­nière page, une suite de sym­boles chi­miques et de chiffres attire l’attention d’Hendrik.
C’est au cours de son sémi­naire que le jeune finan­cier se révèle et découvre qu’il peut prendre sa des­ti­née en main pour atteindre le but qu’il caresse, sans trop y croire, depuis son enfance, deve­nir quelqu’un de riche, d’important. Et tout com­mence à lui sou­rire, même s’il se fait voler le livre par une miche­ton­neuse, le suc­cès, la fortune…

Dans son thril­ler, Andreas Esch­bach fait suivre l’ascension d’un modeste employé d’une société d’investissements finan­ciers. Sans mettre en doute, ni mini­mi­ser l’imagination de l’auteur, les exemples de ce type de pro­ta­go­nistes foi­sonnent avec une ascen­sion rapide, pro­met­teuse, et une chute bru­tale. Le roman­cier alterne son récit entre le haut Moyen Age et notre époque, situant celle-ci un peu avant l’an 2000 pour faire état des incer­ti­tudes liées au pas­sage du mil­lé­naire pour tous les cal­cu­la­teurs et les ordi­na­teurs.
L’Or du diable est une quête en ten­sion, mêlant l’alchimie au sens élevé du terme, une part d’ésotérisme, la chi­mie, des faits his­to­riques, l’univers de la finance, la soif de richesses, le besoin de recon­nais­sance. Il intègre aussi l’immortalité et l’éternelle jeu­nesse. Outre les aven­tures et mésa­ven­tures du héros, il pro­pose avec cette richesse impie une para­bole sur la finance moderne, sur ces capi­ta­listes capables de tout pour aug­men­ter, pour accu­mu­ler encore et encore des richesses, sans se sou­cier le moins du monde des réper­cus­sions sur les popu­la­tions, sur l’environnement, sur les dan­gers qu’ils font cou­rir à l’humanité.

Ce livre pro­pose éga­le­ment une réflexion sur la vie, sur les occa­sions man­quées, sur les par­cours que cha­cun aurait pu prendre dans d’autres cir­cons­tances, avec plus d’audace. L’auteur enri­chit une intrigue déjà bien dense avec l’introduction d’alchimistes de talent dans la vie du héros et des machi­na­tions our­dies par l’Ordre des che­va­liers teu­to­niques. À l’origine cet ordre était une confré­rie fon­dée en 1189 par des mar­chands de Lübeck et de Brème sous le nom de Mai­son de l’hôpital des Alle­mands de Sainte-Marie de Jéru­sa­lem pour soi­gner des malades. Un siècle plus tard, ils étaient deve­nus la pre­mière puis­sance mili­taire d’Europe.
Avec L’Or du diable, Andreas Esch­bach ne déçoit pas et donne un récit docu­menté, d’une grande puis­sance nar­ra­tive et d’une richesse d’intrigue remarquable.

serge per­raud

Andreas Esch­bach, L’Or du diable (Teu­fels Gold), tra­duit de l’Allemand par Pas­cale Her­vieux, L’Atalante, coll. “La Den­telle du cygne”, jan­vier 2018, 464 p. – 23,90 €.

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