Depuis 2017, la Manutention favorise l’exploration et l’expérimentation, en donnant aux artistes l’opportunité de développer leur pratique et de produire des performances inédites en 2 soirées échelonnées sur un mois. À travers le son, la vidéo, la performance, Regina crée « un univers d’une beauté illusoire et virtuelle alliant contes macabres, profondeurs d’internet et bestiaires de personnages ardents et tristes ». Son univers est souvent inquiétant : celui de « huis clos immoraux et dystopiques » où elle invite celles et ceux qui viennent là voir à des « fairy horror stories » très étranges et envoûtantes entre calme et violence, volupté et agression selon des mouvements répétitifs que souligne une musique techno.
Nue d’une certaine façon mais recouverte, l’artiste crée des stradivarius optiques et électriques en un flot aux vagues indifférentes aux autres berges : à savoir celle de l’ordre admis. En de telles chorégraphies, Regina Demina devient la femme de la lenteur et de la vitesse. Elle casse contraires, contraintes et verrous moraux pour laisser apparaître un monde inquiétant en ses rituels sombres.
Entre délices des leurres et sur-identification féminine, les performances peuvent être prises comme des fables sensuelles, sombres mais non sans humour. Regina Demina s’amuse de ses pièges. Son personnage est fétichisé en fonction de sa propre fiction en jouant du romanesque le plus populaire ou filmique et s’échappe à la honte qui s’attache à lui par les torsions qu’elle opère.
En effet, si l’oeuvre a pour première matière le magma confus des stéréotypes féminins elle en devient la contradiction. L’artiste déclenche le mécanisme inversé à celui qui alimente le robinet du subconscient et de ses sensations « vicaires » (J. Henric). Les pseudo principes de réalité ou des films ou images « de genre » que feint de respecter l’artiste débouchent sur de bien étranges « romances » et sur une narration dégingandée et vertigineuse.
jean-paul gavard-perret
Regina Demina, Performance, La Manutention — Performeurs en résidence, Palais de Tokyo, Paris, du 15 février au 15 mars 2018.