Les quatre vies possibles et l’histoire contemporaine de l’Amérique se mêlent ici pour former la grande œuvre de plus de 1000 pages d’Auster. Le roman raconte sans fin et avec peu de force la migration des Ferguson. L’histoire en ces quatre versions de la même histoire fait très étouffe-chrétien (et –juif dans le cas présent).
Certes, l’auteur a pour objectif de prouver que le destin ne se contrôle pas et que chacun est le fruit des circonstances mais il ne réussit pas à le transformer en grand livre. Celui-ci se veut émouvant mais ne l’est que très peu en ce mariage raté entre la grande et la petite histoire.
Auster n’est pas — et n’a jamais été — le grand écrivain que la critique française prétend. Ce livre est plus immense par sa longueur que par sa puissance. Pour preuve et par exemple : la passion pour le base-ball. Elle est ici assommante alors que chez le Roth de la Pastorale Américaine elle est passionnante. Et tout reste à cette aune. Ce roman de la mémoire (plus ou moins flottante) est long, lent ; il se lit avec peine car il n’existe là rien de brûlant.
Tout est propre et bien fait. Trop peut-être. L’ennui demeure et n’est jamais troublé en dépit des quatre options que le roman ouvre — et ferme, il faut le reconnaître, astucieusement. Mais il manque un certain cynisme et de l’ironie dans cette fiction qui se veut la jonction du roman russe et du roman américain. L’auteur y perd sur les deux « tableaux » au moment où il veut faire démonstration de sa puissance en de trop longues phrases.
Le laïus ressemble au quadruple pontage d’un corps affecté par son ambition. Celle-ci demeure à l’état latent.
jean-paul gavard-perret
Paul Auster, 4 3 2 1, Actes Sud, 2018.
Merci pour cet éclairage salutaire, cher JPGP !