Claudine Bohi, Ce qui vient profus

Une indé­pas­sable sub­jec­ti­vité faite de lumière noire mais lumineuse

Clau­dine Bohi est agré­gée de lettres et psy­cha­na­lyste ; elle sait donc ce qu’il en est de l’écriture et de l’être. Pour preuve, son tra­vail poé­tique inter­roge les trans­ferts entre la chair et les mots. Ceux « d’avant » : ceux de la parole ou de « la langue sans per­sonne / une peau peut-être / sa trace ». Il s’agit donc – et non sans pro­vo­ca­tion – d’aller au centre de ce qui se nomme désor­mais de l’affreux mot de « faits de langue ». Sans pour autant savoir où, dans la gué­rite de l’être qui n’est que pous­sière, habite la parole.
Si bien que dans son tra­vail la poly­sé­mie et le muet font bon ménage. Dans un corps, le lan­gage est confronté à ses limites, son désar­roi, sa liberté. Il en va de même pour celle qui parle, vit, écrit : « tu te tiens / absente // dans cet envers / qui n’existe pas //surgit / ce qui a chu­choté / sans aucun mot //qui parle ailleurs ».

Existe sans doute plus que la dés­illu­sion : du déses­poir. Mais l’auteure sait s’en extraire entre autres par un exer­cice « vrai » de l’écriture. Elle en retire les fausses notes et les bulles d’air qui flottent sans faire res­pi­rer. Exit les trop-pleins de réa­lité, le tota­li­ta­risme de l’affirmation fleu­rie et péremp­toire. Pour elle, il faut que « le mot coïn­cide avec la chose, que rien n’échappe, nous pré­pa­rons notre propre assassinat ».

Et d’ajouter que la poé­sie sur­git comme chez Beckett du trou dans la langue « où chaque sin­gu­la­rité ren­contre le jaillis­se­ment obs­cur d’un sym­bo­lique qui la rend pos­sible » et crée une sen­si­bi­lité, une com­mu­nauté avouable :  Ce qui vient pro­fus le prouve.
Avec l’espoir aussi de faire sur­gir une autre parole qui décale le réel, le recouvre d’une indé­pas­sable sub­jec­ti­vité faite de lumière noire mais lumineuse.

lire notre entre­tien avec l’auteure

jean-paul gavard-perret

Clau­dine Bohi, Pho­to­gra­phie Danièle Fau­ge­ras, Ce qui vient pro­fus, Propos2 édi­tions, 2018

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

One Response to Claudine Bohi, Ce qui vient profus

  1. CLAUDINE MARIAGE BOHI

    Bon­jour,
    Je n’avais pas vu ce com­men­taire de mon texte et de ma poé­sie.
    Votre approche est fine et inté­res­sante.
    Je vous en remer­cie.
    A bien­tôt peut-être
    Clau­dine Bohi

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