Né à Milan en 1965, et après des études d’art à Londres, Davide Cantoni vit et travaille à New-York. Il a exposé dans le monde entier (en France au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne). L’artiste présente en Italie le corpus important Lavoro 111 où il propose la cartographie des conflits du monde en 111 dessins brûlés accompagnés de sa propre étude sur les conflits qui ont embrasé notre planète de 1900 à 2010. Cette cartographie se veut « empathique » en mêlant objectivité et sensibilité. S’y déploie la souffrance humaine à travers conflits militaires, actes terroristes, guerres civiles qui sont systématiquement précisés avec différentes méthodes de représentation des scènes de violence.
L’aspect objectif, historique et encyclopédique se fonde sur une systématisation visuelle dans laquelle des connotations de la singularité d’histoires individuelles sont montés en épingle afin de créer une énergie poétique qui vient rompre le silence de l’Histoire en multipliant l’effet de l’énumération objective des atrocités compilées. Existe donc bien un écho entre la rigidité des faits et l’émotion que provoque la puissance visuelle des histoires individuelles.
L’artiste choisit entre autres une technique originale : le burning. Le papier brûlé prend une grande importance. Il permet aussi d’alerter le monde sur le réchauffement de la planète en une sorte de métaphore induite par les lentilles qui embrasent le support et dégrade photos, couleurs, impressions. Cette « chimie » en acte fixe la vision du spectateur pour en proposer une révolution.
Politique par essence, l’artiste a pour but d’imposer face à ses images des questions du type « Que suis-je entrain de regarder ? Qu’est-ce qui advient à notre monde et pourquoi ?». Néanmoins, le travail non seulement interroge le sens du l’Histoire mais aussi celui du rôle de l’art dans le monde contemporain.
Pour Davide Cantoni, la dénonciation passe non par un geste mais par son résultat quel que soit le support (dessin, photo, vidéo). L’artiste italo-américain crée par ses œuvres une subversion sensuelle attachante, subtile en liant observation et imaginaire. Ses images représentent lieux, situations, constellations de notre terre ravagée par l’ignorance, la violence, l’indifférence et l’agressivité de ceux qui en détruisent l’harmonie comme les restes des anciennes civilisations.
Il existe une beauté indéniable à de tels fragments aux surfaces sensuelles pleines de détails en des couleurs délicates. Les dessins créent un nouveau type de beauté au moment même où nous en perdons le sens voire l’idée sans nous rendre compte de ce qu’un tel « oubli » cache ». Il existe donc là une double stratégie de lecture. Entre la réalité vécue et les images fabriquées se crée tout un monde de tension significative là où les référents contextuels sont mis au service d’une complexité narrative. Elle permet un regard critique et une réflexion essentielle.
Davide Cantoni reste toutefois un romantique caché dans la mesure où il croit à la force subversive d’images capable de créer des convulsions émotives pour réveiller les êtres en leur rappelant des expériences humaines d’angoisse et de souffrance au moment même où en écho ses dessins sont des prospectives propres à incarner cette empathie dont nous parlions plus haut.
jean-paul gavard-perret
Davide Cantoni, 2 degrees + 111 and new burned drawings, du 22 mars au 3 mai 2018, Blindarte, Milan.