Dans sa belle biographie, Sophie Doudet ramène vers notre époque cette femme d’exception et pionnière que fut Madame de Staël. Calée dans les coussins de berlines à chevaux elle a traversé l’Europe. Elle a su séduire et ronger son frein, mettre à mal le maître du monde et bien sûr écrire. Son romantisme fut autant capable — dans ses romans — de donner une certaine image de rêve afin de cultiver la perfection de l’intime que — dans ses essais — de faire sauter les verrous d’idéologies rétrogrades qu’elle contribua à miner dans l’émergence d’un féminisme dont elle fut la « première fleur vivante » (M-L Dagoit).
La confidente de Benjamin Constant sut mettre à jour un ordre inédit. Napoléon ne lui pardonna pas, mais elle obtient néanmoins divers appuis. Elle anticipa la dénonciation de bien des postures et impostures : l’intime comme “l’extime” reste chez elle décalé. La « parure » dans ses romans et ses essais est autant un frêle bouclier qu’une métaphore loin des idéologies du marivaudage. Le texte de la biographe est à l’image de son héroïne : il est allègre, vivant, se lit comme un livre d’aventures et se dégage de tout pensum.
Cette vivacité d’écriture est un bain de jouvence et un plaisir de l’esprit.
jean-paul gavard-perret
Sophie Doudet, Madame de Staël, inédit, Gallimard, Folio, Paris, 2018, 304 p.