Fidèle à son économie poétique et plastique, Richard Meier propose – comme il me l’écrit dans sa dédicace - « un fantôme de montagne » faite de la « pierre animale et religion absolue des catalans ». Il y a là des « accents » des encres de Hugo dans la violence et la noirceur du trait. Tout joue ici de manière quasiment érotique entre figure féminine (la ravine et le gouffre des causses) et figure masculine : l’arbre, le pic.
Le Savoyard que je suis n’est pas sectaire : il trouve aux Pyrénées catalanes du « Canigo » de Meier bien plus qu’un charme. Il y existe un bleu qu’ignorent les Alpes. Mais le chemin n’est pas simplement propice à la seule balade. Car il existe dans ce livre rare un hommage à Claude Delmas qui trouva là la mort en un crash.
L’ensemble est pris entre le bleu du ciel comme une tranche et le blanc de la neige. Les pages finissent par une prière païenne à celle qui n’est pas dieu mais déesse. Le créateur est pris entre son absence et sa présence. La montagne entraîne dans ses cols enneigés qui présentent un miroir où personne ne se voit mais où la sourde présence du disparu « oblige » à la pure contemplation des cimes et de leurs gouffres.
Richard Meier poursuit une nouvelle fois son chemin existentiel à travers ses carnets de route. L’émotion passe par le mutisme des images et la trame de bribes éparses et quelques indications sommaires de passes. Demeure un fil perdu et retrouvé. Un moyen peut-être de réparer le temps qui s’écoule – le “suspendre” comme on suspend la mort qui se répète dans chaque séparation.
Demeurent une épopée, une histoire, l’image dangereuse d’un paysage et les jeux infinis de ses vagues immobiles dans leurs ordonnancements chaotiques. Rien ne bouge – ou presque. Dans la montagne il n’y aura pas de réponse. Juste un écho où engouffrer quelque chose de l’ordre du désir, où le désir s’engouffre.
Ne pas chercher ce que ça cache, se laisser prendre à perte de vue. Y entrer sans y être. Être sans y entrer. Voir, regarder, voir quelque chose de religieux, voir pour demander des grâces ou dédier nos souffrances mais l’inverse aussi : voir pour se dédier à cette grâce, pour sortir de la souffrance. Sentir que quelque chose se joue. Là.
Face à la montagne nous ne sommes plus dans les limbes mais dans les beaux draps blancs au moment où ceux-ci recouvrent les avens. Il y va de la vie. Il y va de la mort. Entre brûlure et ensevelissement.
Dans les brumes des seuils, la montagne est-elle infranchissables ? Glisser encore glisser jusqu’à ce point limite.
Eboulements, cassures là où la grande peur de la montagne soumet à un culte particulier.
jean-paul gavard-perret
Richard Meier, Refuges des Cortalets – Rencontres du dessin de Montagne – Trobada de dibuix de Muntanya, Editions Voix, coll. “Montagnes”, 2018.
Je me sentais grand paien surtout dans les elements proches de la pierre merci à nouveau _ il y a aussi l.homme des bleus inventeur du paysage Patinir
Bien à toi Richard