La couverture de ce livre, ornée d’une photo des Félins de René Clément, a de quoi attirer les cinéphiles – hélas, après lecture, il s’avère qu’il valait mieux passer son chemin.
Le récit repose sur une idée discutable en elle-même : le narrateur, sexagénaire qui regrette que sa femme se soit empâtée et soit devenue acariâtre, la voit redevenir par miracle ce qu’elle fut une trentaine d’années plus tôt : un sosie de Jane Fonda ; s’ensuit alors un retour de flamme, et une série de voyages à travers des lieux consacrés par le cinéma ou la littérature.
Vous aurez noté que le protagoniste, lui, n’a pas rajeuni, ce qui n’est pas censé empêcher le sosie de Jane Fonda d’en raffoler, quand bien même il n’ait jamais été très séduisant (le narrateur nous en informe honnêtement). On serait curieux de savoir ce que pense de ce roman la dame qui a pu servir de modèle pour Mélinda, et qui n’aura même pas eu la consolation de s’offrir, en lisant Lune et l’autre, quelques heures de fantasmes agréables pour elle aussi.
Quant aux voyages du couple, ils donnent lieu à d’indigents passages de name-dropping comme celui-ci : “Mélinda est fascinée par ces décors naturels vus dans Cléopâtre, Lawrence d’Arabie, Le Bon, la Brute et le Truand, Indiana Jones et la dernière croisade. Le désert de Tabernas. Cinq cents films au compteur. Western Leone, Texas Hollywood et Mini Hollywood, sous le regard mauresque du Castillo de Tabernas, non loin d’Alméria. Charlton Heston dans Le Cid, Elli Wallach qui assoiffe Clint Eastwood, l’homme sans nom qui joue à Kurosawa, Lee Van Cleef qui sort sa montre à gousset pour ensorceler Gian Maria Volonte. Partout, la musique d’Ennio Moricone.“ (p. 124), ou à ce genre d’évocations : “Cat Ballou m’hypnotise. J’aime le croquant de ses dents, la raie de ses fesses, l’horizon de ses seins. Elle se tient droite au milieu de la rue principale, les pieds bien ancrés au sol, les jambes légèrement écartées, la main droite prête à faire jaillir son Peacemaker 45, pendant qu’un haut-parleur crachouille le thème principal de Et pour quelques dollars de plus. Elle dodeline. Se balance d’une jambe sur l’autre en me rappelant que le spaghetti est un bâtard imprévu, le fruit d’une étrange et monstrueuse union, celle de la légende de l’Ouest et de la commedia dell’arte. » (p. 125).
Pour le lecteur qui l’ignorerait, précisons que Cat Ballou est aussi (comme la Mélinda des Félins) une héroïne jouée par Jane Fonda dans les années 1960. C’est bien dommage que le charme de l’actrice n’ait pas suffi à tirer François Cérésa de sa panne d’inspiration.
agathe de lastyns
François Cérésa, L’une et l’autre, du Rocher, février 2018, 224 p. – 17,00 €.
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