Jean-Noël Pancrazi a vécu à Batna après sa naissance en 1949 à Sétif et ce, avant de s’exiler avec sa famille après les accords d’Evian. Cinquante ans plus tard — et contrairement à beaucoup de “pieds-noirs” qui refuseront un retour sur les lieux de leur enfance afin de préserver un passé où la plupart ne furent en rien des exploiteurs et pour lesquels l’Algérie fut la terre première et leur crève-cœur -, le romancier a osé un flash-back géographique.
Il revient à Bône, devenu Annaba en tant que juré dans un festival cinématographique qui décerne les « Anab d’or » à des films des bords de la Méditerranée. En découle un livre d’autant plus remarquable qu’il laisse le lecteur — comme l’auteur — en un état latent. Il y a la joie bien sûr d’un retour au pays natal. Mais tout ne va pas sans une certaine amertume à peine suggérée. L’auteur veut préserver sa terre initiale dans une épreuve qui mélange les temps et diverses fragrances.
Reste en filigrane la passion du cinéma. La salle de l’enfance Le Régent avec ses bruits, ses émotions premières des films hollywoodiens comme ceux primés à Cannes. Tous passaient avec un retard certain. Ce qui n’empêchait pas la force d’images. L’auteur la garde au sein d’une mémoire affective en rien érodée. Mais il y a plus ; par ce retour aux sources il est forcément perdu dans un monde nostalgique. Il se charpente à travers de longues phrases où le cœur, de gré ou de force, est mis à nu.
Le jeu en valait-il la chandelle ? C’est bien là tout le problème implicite d’un tel livre charnel et consubstantiel à l’existence de son auteur. Il se rappelle qu’à Batna, pendant la guerre qu’on nomma pudiquement « événements », il y eut une explosion au cœur d’un cinéma. 50 ans plus tard dans la même ville, des films parlent de terrorisme…
Mais, au-delà de la confrontation du temps et des idées, reste ce qui est plus impalpable et essentiel : les décors, les parfums, les usages qui ont forcément changé mais dont certains demeurent. Le livre dans ses circonvolutions poétiques épouse une confrontation ambiguë et complexe et jamais binaire — car la vie est bien plus compliquée que cela.
Pancrazi le sait : il avance à la fois à la recherche du temps perdu et de la chute programmée que le titre même du livre a annoncé.
jean-paul gavard-perret
Jean-Noël Pancrazi, Je voulais leur dire mon amour, Gallimard, coll. « Blanche », Paris, 2018, 130 p. — 12,50 €.
Mon Amour ce ne fut que lui . Mon pays . Et je ne lui ai jamais dit . Merci Jean-Noël Pancrazi de l’avoir écrit . Chez moi ” Le Régent ” s’appelait ” Le Century ” . Ici avec JPGP , le ciné est exhumé puis exalté en accord parfait entre l’Algérie , Paris et Chambéry .