Zeinolabedine Rahnema, Le Prophète, de la Révélation à l’Hégire, II

De la Mecque à Medine

Moham­mad, te voilà devenu le Mes­sa­ger de Dieu
Moham­med, te voilà devenu le Pro­phète de Dieu et c’est moi Gabriel qui t’annonce cette bonne nou­velle…
 

À la fois bou­le­versé et émer­veillé par cette voix qui fusait de par­tout sur le Mont Hirâ, Moham­mad ren­tra chez lui et raconta à Kadidja, son épouse ce qu’il venait de vivre. Inquiète, cette der­nière cou­rut consul­ter son cou­sin Waraqa, un fin connais­seur des textes sacrés.
Celui-ci lui révéla que le son que Moham­mad avait entendu éma­nant de par­tout n’était autre que le prin­cipe uni­ver­sel, l’Omniprésent qui s’est révélé à Moïse. “Moham­mad est celui que nous atten­dions tous, le Pro­phète de Dieu, créa­teur du ciel et de l’infini du désert” lui confia-t-il.
C’était la dix-septième nuit du mois de Ramadhan. Le Sei­gneur venait d’accorder à Moham­mad la révé­la­tion prophétique !

Et c’est l’histoire de l’origine de cette révé­la­tion divine et de ses consé­quences sur la vie de Moham­mad et de ses dis­ciples durant la période qui s’étend de l’année 610 jusqu’à l’hégire (1) que le jour­na­liste iranien,Zeinolabedine Rah­nema (2) raconte au fil des pages du second tome d’une saga bio­gra­phique consa­crée au pro­phète Moham­mad qu’il a publiée à Bey­routh (Liban) où il vivait en exil (3).
Que pré­co­ni­sait cette nou­velle reli­gion que Moham­mad répan­dait parmi les Mec­quois mal­gré l’hostilité et l’animosité des chefs Quoraysh ?

Les révé­la­tions du Coran qui se décli­naient sous forme de ver­sets (4)proclamaient l’unicité de Dieu. Ils recom­man­daient de véné­rer le vrai créa­teur, le Dieu unique ainsi que le Dieu de Jésus et de Moïse.
Ainsi, la nou­velle reli­gion qui pro­po­sait un renou­veau spi­ri­tuel prê­chait “l’égalité de tous devant un Dieu unique, ne les dif­fé­ren­ciant que par leur mérite et non par leur ori­gine sociale et tri­bale”. D’autre, part elle pré­co­ni­sait une rup­ture avec un ordre social basé sur l’injustice, la ser­vi­tude, l’oppression des pauvres et l’idolâtrie.

Moham­mad, le mes­sa­ger de Dieu, l’homme pro­vi­den­tiel, “aux paroles qui ras­surent le cœur des mal­heu­reux et éclairent leur esprit” était perçu comme un homme généreux,courtois,qui avait le sens du souci de l’autre et du sacri­fice. Cet être qui déga­geait un “feu ardent, brû­lant les croyances” était illet­tré.
Pour­tant, il pos­sé­dait “des pou­voirs occultes au niveau du lan­gage” et était consi­déré comme une “source de vérité car il invi­tait au droit che­min”.

Les pauvres, les déshé­ri­tés et les des­ti­tués le per­ce­vaient comme leur libé­ra­teur du règne de l’injustice et de l’oppression. Les femmes le consi­dé­raient comme “le garant de leurs droits”.
Ceux qui ber­çaient des bles­sures secrètes dans leur âme mais qui n osaient pas les expri­mer, ceux qui avaient souf­fert des cica­trices et des vio­lences de la guerre et ceux qui lan­guis­saient des croyances archaïques” lui attri­buaient le rôle de sau­veur. Les esclaves et les nègres le défi­nis­saient comme celui qui allait les “libé­rer de leurs chaînes” alors que pour les vieillards, il était la “lumière qui éclai­rera leur che­min de l’au-delà.”

Les enne­mis de Moham­mad étaient très nom­breux. Ces der­niers étaient essen­tiel­le­ment repré­sen­tés par les diri­geants Qoraysh et les familles aisées qui voyaient dans la nou­velle reli­gion une menace à leurs pri­vi­lèges de classe.
De leur point de vue, Moham­mad était essen­tiel­le­ment perçu comme un char­la­tan, un poète, un sor­cier, un enchan­teur, un hypo­crite. Il était celui qui a semé la dis­corde dans les familles mec­quoises et a pro­pagé les graines du désordre dans la Mecque.
Mal­gré les entraves, les inti­mi­da­tions, les humi­lia­tions, les attaques et les ten­ta­tives d’assassinat, Moham­mad recru­tait de plus en plus. “L’ivresse des mots et la poé­sie des ver­sets […] qui anéan­tissent les ténèbres, celles de l’âme et celles du cœur” ne ces­saient de sub­ju­guer les esprits et de convaincre du bien fondé de cette nou­velle reli­gion qui pro­po­sait une rup­ture avec un ordre injuste et annon­çait un monde meilleur basé sur le res­pect des enga­ge­ments, sur l’honnêteté, l’entraide, la fra­ter­nité, la solidarité.

Alors que le nombre de conver­tis aug­men­tait, la per­sé­cu­tion redou­blait de féro­cité à leur égard.
Et au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire, les lecteurs/trices décou­vri­ront un foi­son­ne­ment de détails sur la vie et la mis­sion pro­phé­tique de l’envoyé de Dieu. C’est ainsi qu ils/elles pren­dront connais­sance des cir­cons­tances du voyage noc­turne de Moham­mad au temple de Jéru­sa­lem et son ascen­sion au ciel, sur Bou­raq, un che­val au visage humain, qui avait “deux ailes robustes telles celles d’un aigle qui s’étendaient des deux cotés de son corps.
Puis ils/elles pren­dront connais­sance des condi­tions dans les­quelles l’envoyé de Dieu a, en 622, sur l’ordre de Allah (Dieu) migré de la Mecque vers l’oasis de Yathrib, ancien­ne­ment Médine. Dans la tra­di­tion musul­mane, cet évé­ne­ment est connu sous le nom de l’ère de l’hégire.

Grand admi­ra­teur de la figure du pro­phète Moham­mad et du mes­sage divin véhi­culé à tra­vers les verstes du Coran, l’auteur offre aux lecteurs/trices l’opportunité de s’ immer­ger dans le contexte his­to­rique, socio­lo­gique et phi­lo­so­phique dans lequel l’Islam a émergé et a évo­lué.
Au fil des pages, cet ouvrage per­met une fami­lia­ri­sa­tion avec les us et cou­tumes d’une ère géo­gra­phique loin­taine, à une époque bien par­ti­cu­lière de l’histoire de l’humanité qui a vu l’émergence d’une nou­velle reli­gion qui annon­çait un monde nou­veau, meilleur et plein d’espoir…

Plus qu’un livre de culture géné­rale et reli­gieuse, cette bio­gra­phie roman­cée qui s’inspire de faits réels et racon­tée dans un style agréable à lire est une néces­sité voire une urgence car il per­met de réajus­ter les repré­sen­ta­tions rela­tives à l’Islam, la seconde reli­gion de France, à une époque où cette reli­gion a ten­dance à faire l’objet d’une déva­lo­ri­sa­tion et à être accu­sée de tous les maux.

Notes
1 — Ce terme signi­fie en langue arabe Emi­gra­tion.
2 — Zei­no­la­be­dine Rah­nema (1894–1990) était jour­na­liste ira­nien, exilé à Bey­routh, au Liban.
3 — La saga bio­gra­phique consa­crée au pro­phète de la reli­gion musul­mane com­prend trois tomes. Le troi­sième tome sera publié en 2011.
4 — Le Coran a été révélé à Moham­mad par frag­ments durant une période de vingt trois ans.

A lire éga­le­ment du même auteur
Le Pro­phète — De la nais­sance jusqu’à la révé­la­tion, tome I, tra­duit du per­san par Dara Rah­nema sous la direc­tion de Majid Rah­nema, Actes Sud mars 2008, 23,00 €

n. agsous

   
 

Zei­no­la­be­dine Rah­nema, Le Pro­phète, de la Révé­la­tion à l’Hégire, II, tra­duit du per­san par Dara Rah­nema sous la direc­tion de Majid Rah­nema, Actes Sud, mars 2010, 234 p. — 23,00 €

 
     
 

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies, Non classé

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>