Il est des invariants dans la littérature : les mythes et légendes. Charles Duttine les revisite hors de tout folklore (c’est pourquoi son titre peut être trompeur) mais non sans actualité. Entre abattoir et terres céréalières, près de la Maison de la Radio et dans bien d’autres lieux, le narrateur pérégrine en mêlant l’ancien et le nouveau.
Le second n’époussette pas le premier mais l’épouse. Et c’est ainsi que la certitude des fables se maintient mais sans distinguer du temps qui passe.
Duttine a beau citer en incipit la phrase des Fleurs du mal : « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans », quelque chose suit son cours avec bien sûr la précarité d’un tel quelque chose… Mais nulle crainte d’un dépérissement de la légende au sein des flâneries et actes délictueux que le narrateur commet pour entériner les contes premiers : Œdipe n’est jamais loin et Médée pas plus là.
Bref, la Méduse rôde.
La nuit du passé réveille étonnement le jour en elle. L’homme y devient parfois un quasi Don Juan et parfois l’ennemi de lui-même (ce qui n’est pas incompatible) jusqu’à la délectation. La pensée du présent a donc toujours besoin de la liberté d’un obscur passé pour rendre le futur inquiétant. Les trois temps avancent en chœur dans la langue qui se prête ici à tant de subtiles et drôles éloquences, loin du mutisme apparent des mythes qui ne cessent de la tarauder.
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jean-paul gavard-perret
Charles Duttine, Folklore, éditions La P’tite Hélène, 2018, 200 p. — 18,00 €.