Il suffit d’un petit texte pour retrouver ou découvrir la puissance de l’écriture de Liliane Giraudon. Faisant retour sur une petite anecdote, l’auteure la transforme par la puissance de l’écriture. « Nous sommes en juillet. À la campagne. Je rentre dans une pharmacie et je dis : “Je voudrais un pistolet.” L’auteure, encore enfant, ne s’est pas trompée de boutique. Car il ne s’agit pas d’une arme mais d’un récipient qui permet aux hommes alités d’uriner.
Et c’est une nouvelle fois un retour sur les souvenirs d’enfance (comme dans Le Dernier des Mohicans). L’auteure transforme une épreuve de chagrin avec une force poétique. Elle prouve que le moindre livre relève chez elle d’une décision et d’un acte fléché. Le «je » prend une valeur plus large au moment où il s’incruste dans un trou anodin de la vie en une sorte d’économie de mots simples, abrupts, radicaux qui évite le pathos. Le détail se transforme en expérience palpable non sans une implication sociale voire politique qui, chez elle, ne se sépare pas du travail d’écriture en un schéma narratif apparemment désarticulé puis remonté grâce au poids des mots de sens.
Ce petit livre s’est écrit sans doute dans les marges d’un projet plus vaste ou mis à l’écart. Mais, une nouvelle fois, la poétesse organise « le pessimisme en un acte révolutionnaire ». Ici, celui-ci est ici petit mais costaud, il ramène à une certaine pauvreté des êtres plus ou moins démunis. S’y retrouve ce que Liliane Giraudon nomme sa « creative method » en confrontation avec la maladie d’une proche. L’artiste se fait une nouvelle fois « bustière » en rien nostalgique : elle témoigne par un travail dans la langue de tous.
Après la construction ambitieuse de L’amour est plus froid que le lac (P.O.L, 2016) et ses cadres, tables et références multiples (comme dans beaucoup de ses livres), l’auteure se fait plus humble mais toujours pertinente. Et ce, en un hommage filial où, en disant peu, le texte en parle beaucoup : pour celle qui écrit comme celles et ceux qui la lisent et qui peuvent se retrouver dans une situation où ils se reconnaissent.
jean-paul gavard-perret
Liliane Giraudon, Le Pistolet, éditions Elhkphr@sis, 2017 — 5,00 €.