Eric Zemmour, Mélancolie Française

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Celui par qui la polémique arriva

Eric Zemmour est connu du grand public pour son rôle de critique au côté d’Eric Nolleau dans l’émission hebdomadaire sur France 2 animée par Laurent Ruquier. Il n’en demeure pas moins avant tout un journaliste politique, éditorialiste au Figaro Magazine ainsi que sur RTL.
Sa Mélancolie Française est un récit historique où les événements qui ont fait la France d’hier sont censés aider le lecteur à mieux comprendre celle d’aujourd’hui.
L’auteur s’attache tout particulièrement à mettre en exergue les quelques opportunités manquées où la France aurait pu devenir l’équivalent européen de l’Empire Romain.
À propos du Traité de Paris de 1763, Eric Zemmour cite Michelet : « Que perd la France ? […] Rien, si ce n’est le monde. » Une France revendiquant sans cesse sa supériorité jusqu’à rallier les « barbares » à sa cause : « Il y a dans la nature du Français quelque chose de supérieur et de délicat que les autres peuples reconnaissent. » L’époque coloniale, avec ses enjeux, est décodée avec efficacité : il n’était pas envisageable d’évoquer le passé de la France sans relater les rivalités de toujours avec l’Angleterre, sa domination maritime, Napoléon, Waterloo, les espoirs de l’Algérie – notre Amérique…
La France sous de Gaulle est également revisitée : l’OTAN et la retraite du Général après mai 68. Un chapitre original est consacré à l’histoire de la Belgique et au clivage qui la déchire : « Il n’y a pas de Belges, il y a des Wallons et des Flamands. » La Belgique est aussi envisagée comme une potentielle province française, un projet auquel les politiques français n’ont visiblement jamais souhaité adhérer…

Dans le dernier chapitre, intitulé La chute de Rome, Eric Zemmour aborde le registre statistique en insistant sur notre croissance démographique explicable par un solde migratoire important, puisque les prévisions des experts pour 2015 seraient déjà atteintes. L’auteur invite ardemment le lecteur à se méfier des chiffres « officiels » et donc à reconsidérer les enjeux démographiques et migratoires au regard d’une cause identitaire malmenée.
En réalité, ce chapitre est l’occasion d’exprimer la nostalgie d’une tradition assimilationiste qui favorisait une intégration « réussie » des immigrés sur le sol français, et ce dans le respect des valeurs fondatrices – religieuses et économiques -, une tradition depuis abandonnée au profit d’une politique axée sur les Droits de l’Homme avant tout. Une pluralité et une diversité jugées inquiétantes, qui menaceraient la cohésion identitaire nationale. Ce chapitre se veut une alerte pour éviter que la France ne connaisse le même sort que Rome : « La perte de contrôle gouvernemental de ces territoires qui hâtèrent la naissance progressive de royaumes d’abord autonomes, puis réellement indépendants, précipitant ainsi la chute de L’Empire romain. » La non-régulation des flux migratoires majoritairement en provenance des contrées musulmanes aurait alors des conséquences démographiques inégalées : « La logique communautaire des immigrés musulmans subvertit ainsi la logique individualiste du droit français pour opérer un véritable transfert collectif de population. »
Nostalgique du calendrier français, l’auteur déplore enfin le renoncement de l’Etat sur cette question depuis 1993 : « Entre Mohamed et Kevin, entre islamisation et américanisation, les prénoms des enfants français marqu[ent] avec éclat la déchristianisation et la défrancisation de notre pays. » Et de là naquit LA polémique, suffisamment répandue pour qu’il ne soit besoin d’y ajouter ici une voix…

On regrettera néanmoins l’utilisation du terme de « race » auquel on aurait préféré celui d’ethnie par exemple, et le manque de justesse ou d’honnêteté intellectuelle qui caractérise de façon regrettable la dernière partie de l’ouvrage. Par exemple, en disant que le Coran interdit le mariage avec des non-musulmans, information correcte en soi, Zemmour omet de noter que ce principe est le fait de toute religion.
Il aurait été plus judicieux de la part de l’auteur de conserver la rigueur et la précision qui ont animé les deux premiers tiers de son livre, qui forment un récit dense, étayé de références et de citations, tel un condensé encyclopédique de l’Histoire de France.

a. de lastyns

 

   
 

Eric Zemmour, Mélancolie Française, Fayard, mars 2010, 251 p. – 17,00 €

 
     

 

 

 

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