Les Bonaparte parmi les grands
Les Bonaparte sont-ils des parvenus dans le monde des têtes couronnées ? On l’a souvent dit, pensé, à l’époque de leur gloire comme aujourd’hui. Le livre de Pierre Branda permet de faire le point sur la place de la famille de Napoléon – car est-elle autre chose ? – sur l’échiquier européen. Il en ressort un tableau très contrasté.
Tout d’abord, la fratrie du grand empereur. L’étude confirme leur place de simples vassaux du système napoléonien, dépourvus de toute capacité d’initiative, mariés selon le bon vouloir de l’impérial frère au risque de la rupture définitive. Pourtant, plusieurs d’entre eux apparaissent comme de vraies têtes politiques : Caroline reine de Naples bien sûr mais aussi grande-duchesse de Toscane ou Jérôme roi de Westphalie. Tous furent victimes en définitive de l’entrée par effraction dans l’univers royal qu’avait été la proclamation de l’Empire. Tenus en laisse par l’Empereur mais balayés sans lui.
Ensuite, les descendants des uns et des autres : le malheureux Aiglon portant sur ses épaules la malédiction de son père ; Mathilde fille de Jérôme au caractère bien trempé, cœur de la vie mondaine et artistique du Second Empire ; son frère Napoléon-Jérôme passé à la postérité sous le surnom de Plon-Plon, prince politique s’il en fût, très engagé à gauche (quoi d’étonnant pour une famille couronnée par la Révolution ?) ; le prince impérial, fils de Napoléon III, mort d’avoir voulu connaître la gloire des armes. Les espoirs politiques de la dynastie ne s’en relevèrent pas.
Les trois derniers portraits sont les plus instructifs puisqu’ils sortent de l’ombre des personnalités peu connues mais ayant compté dans l’histoire : le descendant de Jérôme, Charles-Joseph dit Charlie Bonaparte-Paterson, qui fit une brillante carrière politique aux Etats-Unis ; la névrosée Marie – autre mal mariée – qui sauva Freud des nazis et le prince Louis-Napoléon qui rallia le gaullisme, autre forme de bonapartisme.
En fin de compte, le livre de Pierre Branda montre que cette dynastie occupa une place à part entière dans l’Europe des monarchies et dans ses stratégies matrimoniales. Un certificat princier en quelque sorte.
frederic le moal
Pierre Branda, La saga des Bonaparte. Du XVIIIe à nos jours, Perrin, décembre 2017, 476 p. — 25,00 €.