Richard Meier : le fromage et ses rongeurs
Poursuivant sa quête d’une lumière secrète en réalisant des « pages au coin d’une table », celles-ci « arrivent comme un bruit de pluie le matin ». Une kyrielle de mots s’abandonne au fil du temps dans « des sursauts de mémoire » (Cendrars) entre le fortuit et l’essentiel. Le monde s’y brasse en cartographies improbables au sein de commentaires d’une langue officielle ou d’une plus perdue (l’alsacien).
Une série de métamorphoses et de coups de chapeau à des autres acteurs de vrai sens (Pessoa, Jean-Paul Klee par exemple) permettent de modifier le monde tel qu’il est. Ici il s’étale ou gémit dans un trou de silence où Meier, tel un nouveau chevalier à la « triste figure » mais plutôt jovial, va comme il se pousse au milieu du bruit de fond des « coupeurs de têtes » qui régissent le monde.
Au lieu de dresser des couronnes de laurier sur leur tête, le poète invente des îles où s’activent leurs meccanos. Le créateur les révise au sein de foirades. Les mots se fichent de travers manière de dératiser l’épopée humaine de ses rongeurs et de leurs miasmes guerriers. Meier déloge ses invités et les pique-assiettes métaphysiques, en soulignant leur tollé de la manière impertinente qui soit.
Il s’agit d’appliquer sans sourciller de la mort aux rats sur des graines d’un prétendu savoir face aux fieffés tenseurs de claquettes et finauds fomenteurs et fossoyeurs de tapettes poétiques. Choisissant le camp de le dissi-danse, l’auteur fait la peau avec alacrité aux « indésiratbles », aux stakhanovistes des staccatos.
Il détériore ou détruit leurs cartes du non Tendre sans aucune tolérance pour leur tollé. Perdant le sommeil, Meier demeure l’ « éditueur » des héros zéros, ennemis de l’intérieur comme de l’extérieur. Le « je » se prétendant moins quelqu’un que personne offre un plaisir indéchiffrable pour l’émancipation des images et des lettres donc de l’esprit. Un tel livre fait donc tache dans les bibliothèques et leurs rats. Que demander de plus sinon goûter les trous d’un tel fromage ?
jean-paul gavard-perret
Richard Meier, Bel Futz / Trou à paroles, Editions Richard Meier, 2018.
Jean Paul, oui il y a de plus en plus de trous sur la carte — le fromage en n’est que meilleur. Je dis aussi merci au fumeur de pipe qui sait où se cachent les bribes de morceaux arrachés au jour de travaux “d’héros zéros”.
Richard — Un à la tête quelque fois coupée -