Première belle surprise de l’année : le livre hirsute de Jules Vipaldo Le banquet de plafond. Quoi de mieux pour s’envoler du plancher des vaches ? La poésie se déglingue pour sonner matines lors dès l’érection de l’aube. Jules s’y fait un sujet d’exception : « éjaculauteur précoce » au physique d’exception. Ce qui n’empêche pas celui qui est taillé telle une armoire de rester « stoïque comme un guéridon ». Néanmoins, pas besoin du lui lancer un « si tu es gai ris donc ». Les poupées se grisent de telles épopées — elles ne sont pas les seules : les « coqs sont en pages » et peuvent se prendre pour des rois ou chevaliers braillards.
En quête de tout, voire plus ( à savoir de n’importe quoi), il songe parfois à plonger dans l’erreur suprême (« relire Butor »), pour se reprendre et entonner à tout bout de champ des bouts de chants. Le lecteur ne peut que se laisser glisser en un tell sillage. Inspiration, expiration sont en place. Ce qui permet au discours d’émettre divers phrasés — suaves ou non mais farcesques toujours – capables de donner aux rogatons de l’existence un « zeste lacté » propre à une chanson de geste pleine d’embrouilles.
Les rongeurs — rats de goût — s’y font une place de rêve. Manière de rationaliser et de sourire sans pour autant en faire un fromage ou « ratcoler ». Chez Jules Vipaldo, breton d’occasion et d’opérette, le poème n’est jamais un désert du Staël. Préférant lits et ratures à la littérature qui se couche dans de beaux draps, l’auteur écrit non pour les moines hauts mais pour les moineaux « sautillant comme des puces affamées ». Mais ce sont elles qui se grattent sur le dos de sternes et mouettes côtières comme de Sterne soudain réveillé de son long sommeil “par ces lignes (« Oui Ferdinand»)” ajoute Vipaldo… On n’y résiste pas.
Tendue « comme l’élastique d’un string » sur un ventre bien rebondi, l’écriture de ce drôle de Jules plane sur la poésie en l’expurgeant de l’argile ou de la graisse que les académichiens malaxent en faisant état de leur médiocrité. Le poète — qui s’ennuie ou s’énerve dans ce bas monde — passe outre. Il prône et cultive un humour distillé de derrière les fagots. Celui-ci ne soûle jamais mais enivre.
Aux gros maux le poète assène de grands remèdes : il s’agit de raticides que l’auteur ratifie là où l’absolu se vomit en des miscellanées de mélodies en sous-sol. L’auteur en garde — précieusement ou non — la clé.
jean-paul gavard-perret
Jules Vipaldo, Le banquet de plafond, Tinbad Editions, coll. « Tinbad Poésie », Paris, 2018, 140 p. — 18,00 €. En librairie le 18 février.
100% d’accord ! Merci, JPGP, pour cette belle lecture.
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