Jane Shemilt, Ma fille

Le S.O.S d’une mère en détresse

Quand sa fille, Naomi, ado­les­cente des plus banales, dis­pa­raît, le monde de Jenny s’effondre. Nous sommes à Bris­tol, en 2009, lorsqu’après une repré­sen­ta­tion de son club théâtre, Naomi ne rentre pas à la mai­son. Un an plus tard, Jenny ne sait tou­jours pas ce qu’il est advenu de sa fille. Sa famille n’a pas sur­vécu à cette épreuve : elle s’est sépa­rée de son mari, et ses deux fils aînés ne vivent plus à la mai­son. Jenny a d’ailleurs emmé­nagé dans un petit cot­tage du Dor­set, loin de l’agitation urbaine, et n’exerce plus son métier de méde­cin.
Cela fait plu­sieurs mois qu’elle essaie de remon­ter le fil du temps et de com­prendre ce qui a pu conduire à la dis­pa­ri­tion de Naomi. Cette der­nière cachait de nom­breux secrets, et quand le poli­cier en charge de l’enquête reprend contact avec Jenny, elle espère bien décou­vrir enfin la vérité, aussi sombre qu’elle soit.

Ce pre­mier roman d’une chi­rur­gienne anglaise est un vrai choc. Le thème de la dis­pa­ri­tion d’une enfant est ici abordé avec réa­lisme et effi­ca­cité. Au fil des pages, on voit une famille se désa­gré­ger face à l’épreuve qu’elle tra­verse. Plu­tôt que d’intensifier les liens entre cha­cun, la dis­pa­ri­tion de Naomi, élève soi-disant modèle, va faire appa­raître les secrets de cha­cun. Jenny, la mère, ne veut pas perdre espoir, mais perd pied à de nom­breuses reprises. Sa souf­france est évo­quée sans com­plai­sance, et toute l’histoire nous est nar­rée par ses soins.
Une enquête menée en deux temps : en 2009 au moment de la dis­pa­ri­tion de Naomi, pour laquelle les indices ne font rien devi­ner : est-ce une fugue, un enlè­ve­ment ou un meurtre ? Et un an plus tard, où Jenny essaie de se recons­truire, sans rien oublier cepen­dant du passé. Cette nar­ra­tion qui pour­rait paraître ennuyeuse au départ fonc­tionne cepen­dant très rapi­de­ment, et l’on a du mal à lâcher ce roman où chaque page devient plus intime, mais aussi plus sombre. On se sur­prend à par­ta­ger le déses­poir de Jenny, mais aussi son grand espoir de retrou­ver un jour Naomi. Elle ne se laisse pas gagner par le décou­ra­ge­ment, et nous entraîne au-delà des apparences.

Jane She­milt a su éga­le­ment sai­sir brillam­ment le fossé qui par­fois se creuse entre géné­ra­tions. Elle n’hésite pas à nous mon­trer qu’on ne connaît jamais vrai­ment ses proches, ses enfants, encore moins en cette période agi­tée qu’est l’adolescence. Que sait-on réel­le­ment des siens ? Quels tour­ments se cachent par­fois der­rière leurs “ça va bien…?” Les codes sociaux de la famille clas­sique explosent petit à petit (par­fois trop len­te­ment !) ici, et Jenny n’arrête pas de se deman­der ce qu’elle a pu rater, ce qu’elle n’a pas su voir : “...Si seule­ment. Si seule­ment j’avais écouté. Si seule­ment, j’avais été atten­tive. Si seule­ment je pou­vais reprendre du début, il y a un an...” Seule­ment, comme tout un cha­cun, il lui est impos­sible de remon­ter le temps, et refaire l’Histoire.
Le sus­pense demeu­rera jusqu’aux der­nières lignes de ce roman, et l’on en res­tera aussi pan­tois que Jenny, après toutes les révé­la­tions que met­tront à jour une enquête bien difficile.

franck bous­sard

Jane She­milt, Ma fille, Pocket, 2017, 468 p. — 7,80 €.

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Filed under Poches, Pôle noir / Thriller

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