Elément terre et ciel mon cher Watson
L’œuvre d’Albert Watson est reconnaissable par son langage graphique riche en texture et en émotion. Ses portraits (Jagger & Richard, Bowie, Uma Thurman) et ses paysages (New York) l’ont fait considérer par certains de ses pairs comme « le photographe des photographes ». Il fut dès les années 70 l’un des plus demandés et demeure avant tout un photographe qui n’a pas besoin d’adjectif pour le qualifier. Doué pour son esprit très couture dans son travail, il a su toujours le dépasser. Car plutôt que de photographier ce qu’il voit, il capte des émotions et des formes. Longtemps boudé par la critique d’art, il reste un des créateurs les plus perfectionnistes comme Irving Penn (mais moins torturé que lui).
Le livre et l’exposition montrent la force de ses images dont le caractère expérimental n’est jamais affiché. Plutôt que de mettre en exergue de manière ostentatoire ses sujets, il leur donne une expression particulière. Par ses divers types d’images et recherches hybrides qui vont s’élargissant par cercles concentriques, Watson reste le faux dilettante dont l’âge de raison confirme son statut de maître du 8ème art.
Watson ne cherche pas la fusion mais la tension qui met en état de vision la confusion ou l’ambiguïté du monde de la « représentation » ostentatoire. Les différents travaux de l’artiste représentent les tenants et les aboutissants d’une approche qui joue souvent non sur une forme d’illusion optique mais un mixage de transparence et d’opacité. D’où le titre de l’exposition et du livre.
Il ne néglige rien pour mettre à nu ce qui fait basculer le monde dans un vide que l’artiste perçoit derrière les apparences et les affichages. L’essentiel reste pour lui d’aller toujours plus loin dans la perception et sa manière d’architecturer l’espace pour le transgresser et donner aux êtres une vision qui échappe aux attentes. L’œuvre inlassablement se transforme en un étrange et parfois bouleversant poème. Des présences souvent iconiques signalent la fin de certaines histoires (musicales, cinématographiques, etc.) et le commencement d’autres.
jean-paul gavard-perret
Albert Watson, Kaos, Editions Taschen et exposition « A Galerie », Paris, 25 janvier au 17 mars 2018.