Jacques Cauda, OObèse

Histoire d’OO

Jacques Cauda pro­pose un roman por­no­gra­phique. Nul ne sait com­ment il sera lu par le lec­teur mais l’auteur l’a écrit d’une main. L’autre vaquait à une occu­pa­tion far­cesque : elle des­si­nait ce que sa com­pagne et symé­trique jumelle ali­gnait. L’auteur s’inscrit ici dans la lignée de Cicé­ron l’orateur. Celui-ci pré­ci­sait que les choses dont on se sou­vient le mieux sont les choses dites « hon­teuses ». Il ajouta qu’on uti­li­se­rait tou­jours avec pro­fit les images libi­di­neuses pour sti­mu­ler la mémoire. Preuve peut-être que celle-ci n’existe pas sans fan­tasmes… Cauda, ico­no­claste à sou­hait, en remet une couche là où son sombre héros s’affiche fier de son organe qu’il soup­çonne plus qu’il ne voit eu égard à son état phy­sique adi­peux avancé.
Mais il n’en a cure. Dans ce roman tri­ni­taire à l’esprit sain, OObèse est égal à l’addition des for­ni­ca­tions, du can­ni­ba­lisme et des meurtres en série qui font tout le tableau qui s’y donne. Car si le roman est por­no­gra­phique, il ne l’est pas de manière réa­liste. Et ce, en dépit des pré­ci­sions chi­rur­gi­cales que l’auteur donne sur son per­son­nage et celles qui s’en occupent. Images de l’image de la nudité, le livre, par ses assem­blages de tor­sions et de dis­po­si­tions, crée des calem­bours visuels, des conden­sa­tions immo­biles. Le pathé­tique et l’horrible cèdent presque tou­jours la place à un cer­tain comique en de telles fresques plas­tiques et littéraires.

Cauda y pré­fère l’épicurisme au stoï­cisme et la phy­sique à la méta­phy­sique. Tout corps plongé dans une bai­gnoire et savonné comme il se doit par une blonde et une brune brame son « Eurêka ». Cela,  dès que les ser­vantes au grand cœur et aux mains douces ont trouvé l’objet que le gros bai­gneur rêve de voir. Le savant savonné n’y trouve rien à redire et devient moins un “qui d’âme” que celui des dames.
Il leur pra­ti­quera (mais elles lui font de même) des farces pri­me­sau­tières qui ne res­tent pas étran­gères à toutes vio­lences. Néan­moins, OO peut remi­ser son ego au pro­fit du cos­mos d’une libido sexuelle qui flotte sans jamais se retour­ner contre elle-même. Non­obs­tant, le plai­sir n’est pas ici sans risque car — et quoique déri­vant de lui-même — sa qua­lité suprême n’est pas l’absence de dou­leur. Celle-ci pro­cure au corps une sen­sa­tion supé­rieure de soi quels que soient le genre et le nombre des par­te­naires. Il suf­fit qu’à la fin, l’huile — mais elle n’est pas la seule — se vidange.

jean-paul gavard-perret

Jacques Cauda, OObèse, Z4 Edi­tions, 2018, 112 p. — 14,00 €.

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