A sa manière, dans son neuvième album et le temps ultime d’une trilogie, Eminem reste un schizophrène doué de raison. Il s’assied sans scrupules sur les postures politiciennes et au besoin rase les murs jusqu’à la pierre. Il se refait une santé par un virage face à Trump et ses sbires (ce qui est facile et à bon compte) mais reste surtout pertinent en ses points sur sa propre existence. Il manque souvent d’humour et peut se prendre les pieds dans les cordes d’un élan lyrique prétentieux à deux balles car trop ado.
Peut-être trouve-t-il périlleux de vieillir mais il réussit du moins en partie et dans un rap lancinant à demeurer inclassable. Il sait ruiner les ordres terrifiants de certaines natures qui ne méritent pas le nom d’humaines à coup de scansions. Mais son engagement est parfois foireux et ramasse-miettes même face au « canari » président US.
Tant bien que mal, Eminem poursuit donc son rite mais sa voix et son inspiration ne sont plus celles des débuts. Néanmoins, il tente de défier les lois du rap, de bleuir l’épaule des cardamines tout en se protégeant du destin derrière son visage de poussin, Il a beau ressembler à un vieux puits soudainement mis à jour, son flow remonte une rébellion sinon pédante du moins racoleuse. Le « white trash » du rappeur fait la part belle à un délire pop. Trop peut-être. Il est vrai qu’être rappeur à 45 ans n’est pas simple.
Si bien que — dans ce mixer avec featurings étouffe-chrétiens : Pink, Beyonce, Alicia Key, Ed Sheeran — si une force demeure, elle reste sans fléchage et dans des productions approximatives. En 2017, Jay Z aura damé le pion d’Eminem.
jean-paul gavard-perret
Eminem, « Revival », Interscope / Universal, 2017.