Rébecca Cambeau, Trognes et créatures

Le tex­tile dans tous ses états

L’artiste franco-brésilienne, Rébecca Cam­beau est venu à l’art par le sty­lisme. Elle a été séduite par le tra­vail des matières pre­mières de cette pra­tique : le papier des patrons et ébauches et bien sûr les tis­sus. Elle crée depuis cette époque et prin­ci­pa­le­ment des sculp­tures. Ces matières recouvrent des struc­tures de métal. Jaillissent divers types d’êtres ou ani­maux étranges mais signi­fi­ca­tifs.
Il y a là le per­ro­quet de Flau­bert et un bes­tiaire fan­tas­tique. Les oiseaux nor­ma­le­ment pré­vus pour res­ter au sol se mettent à voler. Tout semble deve­nir aérien, sub­til, drôle. En ce zoo étrange sur­gissent des créa­tures de rêve. Elles semblent des petites filles de Leo­nor Fini. Existent donc ce que l’artiste nomme dans un livre réa­lisé avec le pho­to­graphe Frank Hor­vat ses “Vraies Sem­blances”. Flau­bert reste sou­vent la figure tuté­laire de ce monde hir­sute et drôle mais for­te­ment sexua­lisé de manière plus indi­recte que directe.

Tout res­semble sou­vent à un maga­sin de curio­si­tés fait de bric et de broc, de cages ou de cloches dont le fro­mage se trans­forme en cénacle ou lupa­nars. Des mes­sieurs à mous­tache viennent humer les par­fums de scan­dale. Ils déforment leurs masques de dou­leur en celui des volup­tés pro­mises dans ce caphar­naüm ou ce lupa­nar. Il se trans­forme en lieux d’excès et d’outrages ouverts aux écri­vains de réfé­rence aux­quels l’artiste offre des che­mins de tra­verse et des alcôves suaves.
En ce sens, l’amour est tou­jours celui du mys­tère inson­dable. Et mère, l’artiste reste tou­jours la maî­tresse du jeu éro­tique. Le rêver révèle une part du monde auquel le lan­gage tourne le dos. Le tex­tile se dégage de tous les inter­dis. S’y aborde un conti­nent baroque. Celui peut-être du désir absolu où s’éprouve quelque chose de perdu qui dépasse l’ ordre du social et se déplace vers celui de l’hallucination.

Appa­raît ce qui est plus caché que le sexe outragé ou adulé : le secret lui-même. Si bien que, lorsqu’il arrive pour faire l’amour, der­rière l’homme, il y a tou­jours l’enfant caché qui regarde dans la chambre à cou­cher, la chambre aussi mys­tique qu’interdite à laquelle l’artiste donne vie sous forme de bor­del hir­sute et dégin­gandé. L’animal rit et l’homme grimace.

jean-paul gavard-perret

Rébecca Cam­beau, Trognes et créa­tures, Textes de Cécile Dufay, Fran­cesca Fel­lini, Andrea Fer­réol, Céres Franco, Franck Hor­vat, Jea­nine Rivais, Phi­lippe Sou­chaud,  L’œil de la femme à barbe édi­teur, coll. Séries d’Artiste„ 2018, 88 p. — 25,00 €

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