Un Royaume-uni sans thé est-il concevable ?
Alors qu’elle volait en direction de New York, Fourmille, avec son voisin de siège, bascule dans Ekhö, un monde parallèle. Si on trouve les mêmes pays, les mêmes villes, l’univers est décalé car il n’y a pas d’électricité. Dans Ekhö, Fourmille fait un héritage et se retrouve à la tête d’une drôle d’agence artistique.
Dans un bus, à Picadilly Circus, un Preshaun est en train de se transformer. Fourmille, Yuri et Sigisbert qui arrivent sur les lieux gèrent la situation. La jeune femme fournit un antidote et tout rentre dans l’ordre. Mais pourquoi un Preshaun perd-il le contrôle en pleine journée, devant tout le monde ?
Le trio est à Londres sur demande. Après un étrange périple souterrain, les trois amis se retrouvent au sommet de Big Ben où est aménagé un luxueux bureau, celui de l’équivalent de M. Il fait sortir de sa théière, non pas un génie, mais sa sainteté La Pontife qui leur expose la situation critique où se trouve le Royaume-Uni. Celui-ci subit une pénurie sans précédent de thé. Le péril est grand tant pour les humains privés de leur boisson favorite que pour les Preshauns pour qui elle est indispensable s’ils veulent conserver leur intégrité. Ceux-ci sont trop voyants pour enquêter. Aussi, ils veulent confier cette mission à des humains.
Yuri devient un détective au service d’une compagnie d’assurances, assisté de Pamela, sa secrétaire, avec Fourmille dans ce rôle. Alors qu’elle proteste, M fait valoir qu’elle est plus intelligente que Yuri. Dans cette situation elle passera inaperçue pour enquêter à loisir. Près des entrepôts où se volatilisent les cargaisons de thés, déchargées des navires, Fourmille/Pamela repère un squat…
Pour ce septième opus, le scénariste retient Londres pour cadre de son histoire. Il appuie son intrigue sur le thé, la plante réputée indispensable à tout ressortissant du Royaume-Uni. Il intègre des personnages incarnant le pays tels que James Bond, Sherlock Holmes. Il truffe son scénario d’allusions, de rappels, utilisant des expressions de ces personnages, s’interrogeant même pour savoir si ceux-ci ne pouvaient pas avoir existé réellement dans cet univers parallèle. On retrouve également nombre d’allusions aux spécificités britanniques sur leur esprit, sur leur façon d’appréhender le reste de la terre. Il fait dire, par exemple à Yuri : “Normal, je ne sais pas, mais anglais oui.“
Christophe Arleston puise largement dans d’autres œuvres et aménage avec maestria ces emprunts aux péripéties de son intrigue. On retrouve ainsi les Beatles, Star Wars, Winston Churchill… Outre l’intérêt pour son récit, pour son intrigue astucieusement menée, pour l’humour très présent, le lecteur bénéficie d’un jeu qui consiste à repérer toutes les allusions, tous les emprunts piochés à droite et à gauche.
Le dessin d’Alessandro Barbuccci est superbe. Il excelle dans tous les domaines que ce soit la gestuelle des personnages, leur expressivité, la plastique des dames, que ce soit les accessoires où il fait montre d’un souci du détail, détail souvent très humoristique, que ce soit pour les décors. Il réalise, pour l’occasion, des vue superbes de Londres, des perspectives sur des monuments, des plongées sur des édifices frappantes.
Swinging London ne dépare pas la série. Les auteurs livrent un album très réussi, un voyage humoristique et pittoresque dans la perfide Albion.
serge perraud
Christophe Arleston (scénario), Alessandro Barbucci (dessin), Nolwenn Lebreton (couleurs), Ekhö — Monde miroir : t.7 — Swinging London, Soleil, coll. “Fantastique”, novembre 2017, 48 p. – 14,50 €.