Matthieu Messagier, Dragons de paradis

Dessins et pein­ture d’écrivain — mais plus

Les des­sins d’écrivain sont des images qui se lisent, des poèmes qui se regardent. Par ses traits écrits, ses mots des­si­nés, l’auteur d’Orant ne s’arrête pas à l’écriture “nor­ma­li­sée”. D’autant que le des­sin l’a tou­jours occupé. Il exposa plu­sieurs fois ses poèmes debout. En 2009 à la Gale­rie du jour accueille Anima Chro­ma­tica puis Anima Chro­ma­tica 2 et Les Nou­velles Demoi­selles d’Avignon, trip­tyque com­posé au crayon d’écolier et une Man­dala d’encres de perle sur car­tons est pré­sen­tée en région. En 2013, la gale­rie Suzanne Tara­sieve pro­pose Mys­tic & Smart, séries d’encres viny­liques, sur papier ou sur car­ton où appa­raissent : guer­riers, rois, princes, sque­lettes cou­ron­nés, saints, en danse macabre d’un genre par­ti­cu­lier et jouis­sif.
Il est vrai que le poète a de qui tenir : fils du peintre Jean Mes­sa­gier et de la céra­miste Mar­celle Baumann-Messagier, il ren­con­tra et fré­quenta de nom­breux artistes dont Hun­dert­was­ser. Il réa­lisa des livres avec Cueco, Baj, Dado, Vial­lat, Cour­tin, Ale­jan­dro. N’en demeure pas moins que ses des­sins res­tent ori­gi­naux. Certes s’y retrouve une com­mu­nauté avec, par exemple, l’œuvre météo­rique d’une Joelle de la Casinière.

Mais  Dra­gons de para­dis devient une ouver­ture par­ti­cu­lière du concept de livre, l’écarte pour trans­for­mer sa tex­ture et (sur­tout) ce qu’il contient en un exer­cice de cruauté et de dou­ceur dans une langue plas­tique. En ses repré­sen­ta­tions de l’espace se mêlent mots et images. La ques­tion du lieu comme des mots et du des­sin se retourne sur la ques­tion de l’être par des assem­blages hété­ro­clites et para­doxaux. Les œuvres deviennent porches, pas­sages plus que char­nier ou cime­tière où toutes les choses seraient fixées. Sans cesse une levée d’écrou et des corps et des dépla­ce­ments ont lieu. Le tout pour l’insurrection d’une pen­sée qui, par le visuel, se retourne sur son propre des­tin, ses propres replis.
Les signes gra­phiques se font mobiles. On se brûle les mains en leur pré­sence comme on le fait par­fois aux balus­trades d’un bal­con rôti par le soleil car sou­dain Mathieu Mes­sa­gier en son esprit malin, agile et nar­quois crée de petits monstres plas­tiques. Ils rendent le monde à sa liberté et pro­longent l’élan des signes qui jusque là le cernaient.

jean-paul gavard-perret

Mat­thieu Mes­sa­gier, Dra­gons de para­dis, Edi­tions Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2017, 28 p. — 120,00 €.

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