Zéno Bianu demeure un poète d’exception. Il sait s’étendre sur le cosmos en se couchant au fond des mots pour perdre la tête “et un peu plus”. Il est capable d’épingler toutes les brûlures mais aussi les ravissements. Ses rêves et ses cauchemars font qu’il se retrouve en sueur aux rayons de la lune au sein de celle qui la métamorphose en élixir d’ange jusque dans l’abîme d’un tombeau ouvert de toujours. Elle devient ici libellule : “Au cœur du vent /au cœur du sang / tu sillonnes l’infini”. Le coléoptère est celui du cœur à la renverse. Bianu trouve en elle le ravissement.
Dans le désordre universel elle ressent un petit bonheur. Par sa présence se crée la “Perception frémissante /qui voudrait oublier/ la science des larmes”. Et d’ajouter “Le voyage se fait à rebours /la lumière /sans parti pris”. Néanmoins, en une telle étrange princesse de l’azur qui ne dérive qu’au raz de l’eau “Jamais on ne découvre / la dernière pièce du puzzle”. Elle plonge sans doute à la tombée du jour dans les nuits de sources. Ses ailes translucides en éclairent la douceur et le secret comparable à celui de la femme que l’amour met dans les bras pour changer leur monde.
Bianu, ici et comme toujours, redevient verbe, verbe presque sans limite “où rien ne serait dit” sinon le pressentiment d’un tout non au-delà mais dans le monde. Celui-ci reste néanmoins en dialogue avec des dieux. Ils sont bien plus grands que l’Unique ou ceux de l’Olympe. Et ce, dans la solarité d’une conscience habitée et elle même ailée qui ne cesse de permettre à l’être de devenir qui il est.
jean-paul gavard-perret
Zeno Bianu & Richard Texier, Cahiers de la libellule rouge, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2017, 24 p. — 22 exemplaires sur vélin pur fil de Rives, numérotés, comportant chacun trois peintures de Richard Texier.