Celui qui a presque renoncé à presque tout : entretien avec Bernard Sarrut (Femme de lui)

Bernard Sar­rut n’est pas for­cé­ment à la recherche de l’écriture d’un manuel des féli­ci­tés. Son exer­cice de la lit­té­ra­ture est plus tendu. Battre la cam­pagne ne revient pas à y vaga­bon­der sinon tel un anti­hé­ros de Beckett. Pri­vi­lège de l’âge (un des rares), l’auteur laisse faire le temps qui passe sans trop s’intéresser à son futur. D’autant qu’il n’a guère le choix et doit faire avec les vicis­si­tudes de l’état mou qu’entraîne plus ou moins notre vieillis­se­ment.
Ce qui n’empêche pas vin­dictes et vati­ci­na­tions presque far­cesques. Manière de rafis­to­ler une exis­tence qui ne demande rien aux autres et peu à soi-même.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon hor­loge interne.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Non réa­li­sés, ce qui revient au même donc tou­jours là.

A quoi avez-vous renoncé ?
À presque tout.

D’où venez-vous ?
De nulle part, de l’obscurité.

Qu’avez-vous reçu en « héri­tage » ?
Une cer­taine mélan­co­lie, un sen­ti­ment d’inadéquation au monde.

Qu’avez-vous dû aban­don­ner pour votre tra­vail ?
Pour l’écriture rien, pour le tra­vail ali­men­taire rien non plus.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Aller au cinéma, ren­trer dans d’autres mondes, lire, écou­ter de la musique, comme beau­coup de gens.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
Tout, il n’y a pas deux écri­vains (ou indi­vi­dus) semblables.

Com­ment définiriez-vous votre approche du réel ?
Dif­fi­ci­le­ment supportable.

Quelle fut l’image pre­mière qui esthé­ti­que­ment vous inter­pella ?
Un des­sin animé de Walt Dis­ney probablement.

Et votre pre­mière lec­ture ?
J’aimerais bien me rappeler.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Post-punk, new wave, années 80, gothique, opéra, rock indie, dark folk,electro pop, musique répé­ti­tive amé­ri­caine, etc… et pour don­ner des noms plus pré­cis : Joy Division/New Order, Suicide/Alan Vega, Pixies, Kraft­werk, My Bloody Valen­tine, etc..

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« L’amour » de M. Duras.

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Mirage de la vie » de Dou­glas Sirk (la fin).

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Quelqu’un que j’aimerais ne pas voir.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À per­sonne, j’ai tou­jours osé le faire.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Rome peut-être, la villa Adriana ou Pom­péi Her­cu­la­num, quelque chose d’italien en tout cas.

Quels sont les écri­vains et artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Peter Handke.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Une pla­tine vinyle.

Que défendez-vous ?
La jus­tice au sens noble du terme (pas celle des tribunaux).

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Trop sou­vent citée et en plus mal com­prise, je pense que per­sonne ne détient la signi­fi­ca­tion vraie de cette phrase en plus sor­tie de son contexte, à évi­ter ou à écou­ter comme une ritour­nelle émou­vante sans com­prendre vraiment.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Même remarque que pour Lacan sauf que là c’est plus simple et basique, une belle pirouette écu­lée et facile qui évite de répondre surtout.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Aucune, il y en avait déjà trop — ;)

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 19 décembre 2017.

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